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Vignette podcast AMATEURS - Philippe et Éric Boisse

1980 & 2004 – Philippe et Éric Boisse – Père et fils la même passion, la même médaille olympique – Escrime

Et pour cet épisode, j’ai eu la chance de rencontrer Philippe Boisse champion olympique d’escrime en épée par équipe et en individuel en 1980 et 1984 ainsi que Éric Boisse, son fils, également médaillé d’or en escrime épée par équipe aux Jeux d’athènes en 2004.

C’est le premier binôme père fils français médaillé aux Jeux Olympiques pour la plus grande fierté de Patricia épouse et mère de ces deux champions.

Il nous racontent la difficulté de grandir et de se faire une place dans les pas de son paternel pour passer dans l’esprit des gens de fils de Philippe à père d’Éric; leur fierté de pratiquer le même sport et d’avoir la même passion. Enfin, ils témoignent de l’importance du maître d’arme et de la pratique du sport et de ses valeurs pour les jeunes.

Philippe Boisse 

Pour moi, c’est une grande fierté, non pas de ce que j’ai fait, mais c’est une grande fierté de ce qu’a fait Eric. Parce que quand t’es le fils de,  pfiou c’est lourd. Quand t’es le fils d’eux, papa il a gagné les championnats du monde individuels et par équipe, les Jeux individuels et par équipe, c’est lourd. À chaque fois, il avait 14-15 ans, on lui mettait dans la gueule, on lui mettait dans la gueule, on lui mettait dans la gueule. On faisait toujours des comparaisons, des comparaisons qu’il n’y a pas à faire. Parce que lui c’est lui, moi c’est moi.

Baptiste Chebassier 

Bonjour à toutes et à tous, je suis Baptiste Chebassier et j’ai créé à la main les 30 249 noms des médaillés olympiques depuis 1896. Cette grande fresque fera une fois terminée 130 mètres de long et je rajouterai pendant les Jeux de Paris 2024 les noms des nouveaux médaillés olympiques. Et pour la première fois, j’ajouterai aussi ceux des médaillés paralympiques dont la base de données n’existe malheureusement pas. Je souhaite rendre hommage à travers ce projet artistique à tous ces athlètes qui s’engagent et donnent tout ce qu’ils ont pour vivre l’aventure des Jeux. Ils consacrent ce qu’ils ont pour moi de plus précieux, leur temps. J’ai longtemps écrit le nom de personnes décédées, et une fois le nom du premier médaillé encore en vie inscrit, j’ai eu envie de partager ce moment d’écriture avec les vivants. Vous écoutez le podcast *AMATEURS*, qui vous partage dans chaque épisode ma discussion avec un médaillé olympique que je rencontre chez lui, ou par téléphone, pour écrire son nom en sa présence, et qui me raconte son histoire, celle de sa médaille, et celle de son sport. Je découvre que ces médaillés ont tous un point commun avec vous, auditeurs. L’amour du sport. Ce sont donc comme vous, des amateurs. Et pour cet épisode, j’ai eu la chance de rencontrer Philippe Boas, champion olympique d’escrime en épée par équipe et en individuel en 1980 et 1984, ainsi qu’Eric Boas, son fils, également médaillé d’or en escrime épée par équipe aux Jeux d’Athènes en 2004. C’est le premier binôme père-fils français médaillé aux Jeux olympiques, pour la plus grande fierté de Patricia, épouse et mère de ces deux champions. Ils nous racontent la difficulté de grandir et de se faire une place dans les pas de son paternel pour passer dans l’esprit des gens de fils de Philippe à père d’Eric, une transition pas si simple à opérer. Ils racontent aussi leur fierté de pratiquer le même sport et d’avoir la même passion. Enfin, ils témoignent de l’importance du maître d’armes et de la pratique du sport et de ses valeurs pour les jeunes.

Baptiste Chebassier
Bon bah, un grand merci de m’accueillir ici et de vous être rendus disponible. Ça me fait grand plaisir. Je vous ai présenté mon projet tout à l’heure qui s’appelle *AMATEURS* au passage. Je ne sais pas si j’en ai déjà parlé, mais je l’ai appelé comme ça parce que c’est un peu ce que je suis et ce que je fais. Et c’est quand même la racine du sport. Et je pense que c’est au final ce qui rassemble les sportifs et les spectateurs, c’est l’amour du sport. Donc finalement, c’est le nom le plus simple qui m’a tout de suite parlé et que j’ai trouvé pour ce projet. Et puis, qui quand même intervient avec les racines de l’Olympisme, donc vous êtes tous les deux médaillés et j’ai cru entendre tout à l’heure que vous êtes les seuls pères-fils français à être médaillés, c’est ça ? 

Philippe Boisse 

Jusqu’à 2021, puisqu’il y a le fils Rozier qui a été médaillé d’or aussi et son père avait été médaillé aussi. 

Baptiste Chebassier 

Ok. 

Eric Boisse 

En équitation c’est ça?

Philippe Boisse 

Oui, en équitation. Le père avait été médaillé en 1976 et le fils a été médaillé en 2021, puisque ça ne s’est pas fait en 2020. 

Excellent. Donc vous n’êtes plus les seuls. 

Philippe Boisse 

On n’est plus les seuls. En France, parce qu’en Suède, il y a le père et la fille qui ont gagné deux médailles d’or ou trois médailles d’or en dériveurs. 

Baptiste Chebassier

Ensemble ? 

Philippe Boisse 

Ensemble. 

Baptiste Chebassier 

Ah, c’est cool, ça.

 

Philippe Boisse 

C’est marrant. 

Baptiste Chebassier 

Vous avez déjà combattu ensemble ? On dit combattre en escrime ? 

Philippe Boisse 

Deux fois. J’ai perdu les deux fois. 15-14 les deux fois. 

Baptiste Chebassier 

Ok.

    Philippe Boisse 

    Et l’un contre l’autre ? Non, l’un contre l’autre, c’est lui qui a gagné les deux fois. Et ensemble, on a fait une fois les Championnats de France par équipe ensemble. 

    Baptiste Chebassier 

    Ok.

      Philippe Boisse 

      On fait deuxième, voilà.

      Eric Boisse 

      En même temps faut savoir qu’on a 25 ans d’écart. D’ici à ce que moi je puisse un peu me défendre il avait quand même quelques kilomètres derrière lui quoi.

      Baptiste Chebassier 

      J’ai l’impression que le sport, c’est une histoire de transmission. Moi, en écrivant mes noms, je suis surpris du nombre de frères et sœurs ou de noms de familles qui reviennent, et comment ça c’est fait cette transmission du sport du père en fils, entre guillemets ? Ou peut-être même vous, avant, il y avait dans la famille d’autres gens qui faisaient de l’escrime ? 

      Philippe Boisse 

      Non, personne ne faisait d’escrime. Chez moi, mon père était international de volley, une sélection. Ma sœur a gagné les championnats de France de volley avec le PUC il y a très longtemps aussi, puisqu’elle a trois ans de moins que moi, elle a 66 ans. Et puis c’est Eric qui pourra mieux vous le dire comment il est arrivé à l’escrime. 

      Eric Boisse 

      Oui après c’est comme un peu tous les sports, c’est vrai que l’escrime c’est un peu particulier parce qu’il vous faut une salle d’armes. Je veux dire faire du foot du hand du volley je veux dire on peut en faire dans touttes les villes de France c’es assez accessible.C’est ce qu’on installe le plus je pense dans les  villes  et puis  dans les collèges, lycées et ainsi de suite. Donc c’est vrai que moi j’ai eu la chance que de part le travail de mon père, de, c‘était Hovnanian qui a créé la salle d’arbre avec le maître… Forestier. Forestier, ouais. C’est vrai qu’on a eu la chance à St-Gratien d’avoir une salle d’armes. Donc disons que là, je le vois maintenant, en habitant à 45 km de la salle d’armes où je travaille, je vais pas y emmener ma fille, pour les horaires ça le fait pas. Donc c’est vrai que pour, on va dire, le côté hérédité, c’est vrai que d’avoir une salle d’armes à côté, et puis une salle d’armes de telle qualité, parce que même si j’avais commencé, on avait déjà une bonne salle d’armes, et puis d’un coup, elle s’est développée pour être… À l’époque, je crois que c’était la plus grande d’Europe. Bon voilà, ça aide pour créer l’engouement, ça aide pour créer l’environnement aussi, parce que c’est bien beau d’aimer l’escrime, mais il faut pouvoir aussi s’améliorer et être performant. Et c’est vrai que, ça, je le dois au maire Hovnanian et au maître Forestier et après à mon père qui a fait perdurer parce que grâce aux résultats qu’il a pu avoir, la mairie et le département ont dits tiens on va investir dans l’escrimer et de ce fait on a eu une super salle d’armes qui est maintenant encore plus superbe, elle est magnifique, maintenant ils l’ont rénovée. Ce sont des facteurs qui ont fait que c’était permis.

       

      Philippe Boisse 

      Et puis le tiers temps pédagogique qu’avait mis en place Léon Hovnanian, quand les profs de gym ont été supprimés dans les écoles primaires, il a embauché des employés municipaux, des moniteurs de sport municipaux, dont le maître Forestier, et ça a fait découvrir des sports que les gamins ne seraient pas allés faire. La natation au CP, le tennis de table, l’escrime, le judo, tous les gamins étaient obligés à l’école, c’était ça, il y avait le bus qui venait les chercher, et au lieu d’aller faire de la gym avec de la balle au priso, ils allaient faire un sport. Et Éric, comme Hugues Obry, ou Jean-François Di Martino, ils ont commencé à Saint-Gratien par le tiers-temps pédagogique. 

      Baptiste Chebassier 

      Ouais, c’est marrant ce que vous dites, parce que j’ai échangé avant ça avec Jean-Claude Magnan, médaillé d’escrime aussi. 

      Philippe Boisse 

      63, 64, 65, 60… 68. 

      Baptiste Chebassier 

      Je pourrais pas les sortir comme ça ahah. Mais lui, je lui ai demandé, c’est quoi le futur du sport en général, et il m’a dit, c’est de le faire pratiquer aux jeunes dès le début, sans que ce soit de la gesticulation, mais vraiment du sport. C’est un peu ce que vous êtes en train de dire, je trouve. 

      Philippe Boisse 

      Oui, plus ou moins, parce que je crois qu’il ne faut quand même pas oublier la notion de plaisir. La notion de plaisir, chez le gamin, il faut qu’il s’amuse aussi, donc ça ne doit pas être trop restrictif. L’esscrime, à une époque, c’était, vous faisiez un an, un an et demi, marchez, rompez, marchez, rompez, marchez, rompez. C’était un peu pesant, moi quand j’ai commencé ici j’en avais fait trois mois, le maître Forestier m’a demandé si j’en avais fait, j’ai dit oulala oui ! Donc il m’a mis avec ceux qui étaient confirmés et je savais pas du tout ce qu’il me demandait. Engagé, dégagé, je ne savais pas du tout ce que c’était, je regardais les autres parce que je savais pas ce que c’était. Donc là maintenant il y a plus de, comme disent les canadiens, il y a plus de fun pour que les gamins s’amusent. Mais l’avantage de l’escrime c’est un peu comme l’avantage du judo et du karaté c’est quand on rentre, quand on rentre dans une salle, on dit “bonjour maître”. On dit “bonjour maître” et on dit pas “bonjour tu vas bien”, ça c’est bonjour maître. Et le nombre de gamins que Forestier et l’escrime à Saint-Gratien n’ont pas sorti de la merde entre guillemets, mais ils auraient pu mal tourner. Ils ont tous fait quelque chose de bien de leur vie, parce que dans le vestiaire, ils étaient avec Éric Guetta, qui était responsable de la bourse de HSBC, Jean-Baptiste Stern, qui est médaillé au championnat du monde junior, qui est gastro-entérologue, ancien praticien hospitalier, avec un avocat, avec un dentiste, avec un machin, et ces gamins de 14-15 ans, ils prennent la douche avec les mêmes personnes, ils voient que c’est la même chose et ils voient qu’ils y arrivent. Il n’y a pas de raison qu’on n’y arrive pas donc l’escrime, le judo, le karaté aussi, dommage qu’ils ne soient pas aux Jeux, ont cette notion de respect que je trouve est importante. Il y a des parents qui ont remercié Forestier en disant, on n’arrivait pas à le canaliser, vous vous avez réussi à le canaliser. 

      Baptiste Chebassier 

      Donc il y a un job à la fois sur le plan sportif, mais aussi d’éducateur. 

      Philippe Boisse 

      Ce que me disait Forestier, il disait, moi, mon rôle, c’est qu’à la fin, tu sois un Homme. Enfin, un homme ou femme, mais dans le sens humain, quoi.

      Baptiste Chebassier

      Et dans l’escrime, en regardant un peu les différents sports, je me rends compte que les Jeux Olympiques, la médaille d’or ou la médaille aux Jeux Olympiques n’a pas forcément peut-être la même valeur selon tous les sports. Et il y a des sports où c’est le Graal et d’autres où ça ne l’est pas, est-ce que ça l’est en Escrime ? On parlait du titre de champion du monde tout à l’heure, ou de la médaille d’or ? 

      Philippe Boisse 

      Je vais te dire une réponse un peu particulière. Quand moi j’ai gagné les Jeux, en individuel ou qu’on a gagné par équipe, il n’y avait pas de qualification. C’est-à-dire qu’il y avait les Américains, les Russes, les Hongrois, les Polonais, tout le monde pouvait venir. Donc il y avait 100 tireurs. Il y avait 100 tireurs, alors que maintenant, ils sont 32 ou 36, pas plus. Et déjà, nous, à l’époque, avec Philippe Riboud, on trouvait les Jeux Olympiques plus faciles que les Championnats du Monde, parce qu’il n’y avait que 3 tireurs par nation, alors qu’au Championnat du Monde, on en avait 5. Il fallait te coltiner les 5 Russes, il fallait te coltiner les 5 Allemands, les 5 Hongrois, les 5 Polonais, c’était plus usant. Mais dans l’image, c’est vrai que Champion Olympique, c’est le Graal. Et puis, ça dépend aussi des périodes. Parce que, pour moi, quand j’ai gagné les Jeux en 1984, individuels, il y a eu quatre médailles d’or, pas quinze, quatre. Il y a des années où il n’y a pas eu de médailles d’or. Vous vous souvenez du dessin de Faizant avec De Gaulle qui est en survêtement avec une petite mallette et qui dit « si je ne fais pas tout par moi-même », et c’est lui qui a fait monter l’INSEP. À l’heure actuelle, il y a plus de sports et le sport est mieux organisé en France qu’il l’était à l’époque. Il est mieux organisé déjà qu’à l’époque d’Éric, parce qu’à l’époque d’Éric il n’y avait pas des tonnes de médailles hein, à part l’escrime et le judo, il n’y en avait pas d’or. 

      Eric Boisse 

      Il y en a eu, Manoudou a percé à ce moment là après il y a Le Pennec en gym. Il y a eu des sports où on critiquait beaucoup la France qui ont percé d’un coup et depuis la gym a continué, la natation a explosé. Mais c’est sur que, oui ça s’est professionnalisé, oui ça s’est plus professionnalisé depuis l’or. 

      Baptiste Chebassier 

      Et vous étiez professionnel, respectivement, à l’époque des médailles ? 

      Eric Boisse  

      Non, moi j’ai eu des conditions plus faciles que mon père, ça c’est sûr. Et il en parlera mieux que moi, parce que c’est pas comme s’il avait bac -1. 

      Philippe Boisse 

      Ahah +10. 

      Eric Boisse 

      D’avoir cumulé médecine et le sport de haut niveau et puis il y avait moins de reconnaissance. Même moi, j’ai vu la différence entre ma génération et, on va dire ma génération mais en l’espace de dix ans, pour en avoir discuté avec d’autres, le facteur financier… C’est vrai que la vie coûte plus cher, mais en tant que sportif de haut niveau, dès qu’on fait des résultats, on touche un peu plus de subventions, on va dire. Alors pas tous, bien sûr, c’est vraiment, on va pas se voiler qu’il faut avoir les reins solides, il faut avoir la chance d’avoir les parents ou un club qui suivent au début. Mais à partir du moment où on commence à faire des résultats, c’est sûr que les primes, que ce soit les primes de club, les primes fédérales ou même les sponsors qu’on peut trouver, on touche un peu plus de sous. Donc, ça m’a étonné, par exemple, d’avoir une discussion avec un escrimeur qui dit, tiens, moi, je vaux 2 000 euros par mois. Et c’était un truc… Il avait quelques années de moins que moi, et j’étais en train de me dire, mais… Ouais, OK, c’était pas mal. Alors, j’imagine que pour mon père, c’était encore moins ça, puisque sa génération et lui ont été les premiers à faire que bah on payait pas les déplacements pour aller en compétitions, le club le payait, ou qu’il pouvait y avoir des subventions via le club. Et ça il n’y avait pas avant.

      Philippe Boisse 

      Moi, j’ai fait médecine, donc j’ai commencé… J’étais à Louis-le-Grand en terminale, j’ai fait médecine en 72, j’avais 17 ans. Et j’ai fait première année, deuxième année, deux fois la deuxième année parce que j’étais un peu opéré d’une péritonite. Et puis, je suis rentré en équipe de France junior en 73. J’étais en troisième année de médecine, en équipe de France senior en 74. Et alors, j’ai fait médecine avec l’équipe de France, mais je faisais des résultats. J’ai gagné une Coupe du monde, je faisais des résultats. J’étais toujours dans les dix premiers mondiaux, mais je ne passais pas le cap. Je passais pas le cap, parce qu’à l’époque, comme le dit Eric, nous on n’avait pas de subvention, donc je faisais des gardes de nuit pour bouffer. Eric était né, ma femme aussi. Patricia, elle aurait pas été là, j’aurais pas pu. Donc, c’est après, ma première bourse de préparation olympique, c’était en 82. J’avais 27 ans, j’avais gagné déjà les Jeux, j’avais gagné déjà les Championnats du Monde par équipe. Et j’étais pas aidé. Et j’étais pas aidé. 

      Baptiste Chebassier 

      Pas de sponsors ? 

      Philippe Boisse 

      Non, j’ai eu des sponsors à partir de 84, on avait les mêmes, Philippe Riboud et moi. On était les deux premiers à avoir, entre guillemets, des sponsors. 

      Baptiste Chebassier 

      Ok. 

      Philippe Boisse 

      D’ailleurs plus que de sponsors que ceux de maintenant ont. 

      Baptiste Chebassier 

      Ah ouais ?

       

      Philippe Boisse 

      Ouais. Bah Philippe est Philippe. On a un petit peu joué ce rôle-là, puis on s’aime bien. Riboud, il a été 2 Or, 2 Argent, 2 Bronze aux Jeux. Il a été deux fois champion du monde individuel. Moi, j’ai une Or et 2 Argent aux Jeux. J’ai été champion du monde une fois en individuel. Et on est à la même période. Il a deux ans de moins que moi. 

       

      Eric Boisse 

      T’as 2 Or et une Argent pas 1 Or et 2 Argent.

      Philippe Boisse 

      Ah oui, j’avais oublié ce détail. Avec Philippe qui a deux ans de moins que moi, on est rentré ensemble en équipe de France Juniors, on est rentré ensemble en équipe de France Seniors et on s’est tiré la bourre tout le temps. Au début, c’est lui qui me massacrait et il me bat aux Jeux de Moscou, en individuel, et moi je le bats en demi-finale aux Jeux de Los Angeles. Et ça a tout le temps été comme ça. Et puis les deux Philippes, ça fait qu’on a fait des médailles d’or individuelles, moi en 84 et 85 et lui en 86. Donc dans les sports comme l’escrime, si les performances ne sont pas répétitives, ça ne marche pas. Les gens ne vous connaissent pas, il n’y aura pas de sponsors, il n’y aura peut-être même pas de reconnaissance d’État. D’ailleurs, il n’y a pas de reconnaissance d’État. Il n’y a pas de reconnaissance d’État puisqu’on considère toujours que le sportif, il est sportif, il est gogole. Il faut arrêter les conneries. Même le sport basique qui est basé que sur la force. Un sportif qui réussit ne peut pas être con. Maintenant, un sportif qui réussit pas peut l’être, mais un sportif qui réussit ne peut pas être con, c’est pas possible. D’ailleurs, on l’a compris, puisqu’ils ont bien aidé, après ils l’ont compris, puisqu’il y a eu des passerelles avec l’ESCP, où l’ESCP, l’école de commerce, a beaucoup travaillé avec les sportifs de haut niveau. 

      Baptiste Chebassier 

      J’étais avec Perrine Pelen hier et elle elle parle beaucoup de comment le sportif, même en sport individuel, est toujours entouré d’une équipe et fait que dans la vie pro après le sport, c’est très facile de s’intégrer parce que t’as déjà eu des coachs, plein de gens qui se sont occupés de toi et qui t’ont appris à vivre en communauté et à faire équipe ensemble. 

      Philippe Boisse 

      Moi, j’ai fait un sport individuel, je suis resté individuel et j’avais un métier d’individuel. J’étais radiologue, c’était pas un sport d’équipe. Mais Eric, c’est pas le cas. 

      Baptiste Chebassier 

      Mais pourtant, la première médaille qu’on va écrire… 

      Philippe Boisse 

      Oui, c’est par équipe. 

      Baptiste Chebassier 

      C’est par équipe. 

      Philippe Boisse 

      Mais par équipe, c’est des matchs… Encore, c’est des matchs différents. Nous, on faisait le cumul des matchs. On faisait tous quatre matchs. Donc, il y avait 16 assauts et la première équipe qui était à neuf victoires avait gagné. 

      Baptiste Chebassier

      OK.

      Philippe Boisse 

      Avec Eric, c’est plus du collectif puisqu’on prend le relais. Quand Eric a été champion olympique. C’est-à-dire, par exemple, si Eric il commence, il gagne 5-4, son copain vient et prend le relais à 5-4, il faut aller jusqu’à 10. Tandis que nous, on avait chacun un match.

      Baptiste Chebassier 

      Oui, pendant le match. 

      Philippe Boisse 

      Oui, pendant le match. 

      Eric Boisse 

      C’est ça. Si il y’en a un qui prend une valise, on va dire, fut un temps dans les années 80, bon bah tu rates un match tu fais 5-0 ça t’a coûté une défaite ça t’as coûté un point quoi. Alors que nous c’est la même configuration mais par exemple je reprends aux Jeux, c’est pas aux Jeux, mais c’est aux championnats du monde, où la France est à moins dix en 2011. Voilà, il y a dix touches à rattraper. C’est pas un match ou deux matchs à gagner. C’est dix touches à rattraper et on finit par rattraper et gagner. 

      Philippe Boisse 

      C’est plus collectif. 

      Eric Boisse  

      Ça crée plus de pression. Mais ça peut aussi décrocher des équipes plus souvent parce qu’il y en a certaines, bon bah voilà le match il est a 4-0, quand c’est pas on compte le nombre de victoires. Bon, bah on oublie, on compte, lui, il va battre lui. Lui, il va perdre sur lui, ainsi de suite. Alors que par équipe, quelqu’un qui est un peu moins bon peut peut-être arriver, un peu comme au football, un peu avant le catenaccio italien, à faire 0-0 à l’extérieur. Voilà et puis après, on donne tout à domicile. Mais c’estvrai que ça change. Chaque génération a ses avantages et ses inconvénients. 

      Baptiste Chebassier 

      Et du coup, c’est quoi l’évolution de demain ? Que vous pensez sur l’escrime ? 

      Philippe Boisse 

      Moi, ce qui me fait peur, vu la politique sportive en France, ce qui me fait peur, c’est que pour faire des résultats aux Jeux Olympiques, il n’y a pas besoin de plus de trois tireurs. L’équipe, c’est trois personnes. Moi à mon époque c’était cinq. L’équipe, c’est trois personnes. Donc, à partir du moment où vous en avez quatre qui tiennent la route, pourquoi voulez-vous vous enquiquiner à avoir une dizaine de personnes. Alors vous aurez des sparring partners à l’INSEP, mais à la limite, ils s’en fichent un peu. Pour le sport de haut niveau, il suffit d’amener ces trois ou quatre personnes à être très fortes, et puis ils s’en ficheront un peu. Nous, on avait besoin d’avoir des sparring partners, et puis les équipes changeaient quand même un peu, et puis d’amener les jeunes qui allaient arriver. Moi, j’ai vu quand Zreky, il est arrivé, il n’était pas en équipe de France, Srecki, Henry, Lenglet, ils sont arrivés à l’INSEP, il y a une transmission. Il y a telle transmission qu’à un moment il y a Eric Srecki qui a vu Eric Boisse arriver à l’INSEP. Moi, j’ai vu Eric Srecki arriver à l’INSEP et lui il a vu Eric Boisse arriver à l’INSEP. Donc, c’est marrant. Mais là, j’ai très peur que ça se limite de plus en plus en nombre, de qualités et puis que les moyens financiers ne soient plus les mêmes après les Jeux. Ça je suis sûr que ce ne sera pas les mêmes. 

      Baptiste Chebassier 

      Ah oui, vous pensez? 

      Philippe Boisse 

      Ah oui. 

      Eric Boisse

      Après pour réduire les sports en général, pas forcément que français mais on a tendance à voir ça aux JO ils ont tendance à restreindre. Déjà en 2004, quand moi j’y étais, on parlait de faire des rotations sur les athlètes, c’est-à-dire que si tes épreuves ont lieu la première semaine des Jeux, et bien la deuxième semaine des Jeux, t’es en dehors du village et c’est ceux qui sont sur la deuxième semaine qui rentrent.

       Philippe Boisse 

      Ça y est. 

      Eric Boisse 

      Pour moi, je pense qu’il va y avoir l’évolution, comme moi je l’entends, c’est qu’il va y avoir… Dans 15 jours, le CIO va se mettre beaucoup d’ennemis à dos, mais il va s’asseoir, il va dire “écoutez l’escrime, vous êtes bien gentils, mais vous êtes un sport individuel, pourquoi est-ce que vous avez l’équipe? Donc déjà, ça va faire grincer les dents. Le judo, pourquoi est-ce que vous avez l’équipe? On va arriver aussi à dire aussi, oui, mais la natation, pourquoi il y a autant de distances ? Athlétisme pourquoi il y a autant d’épreuves ? Voilà. Après, moi, je ne serais pas contre si ça permettait à d’autres sports, le karaté, qui est une fédération énorme, qui est aux JO, pas aux J0, J0, pas aux J0, je trouve ça un peu risible. La lutte qui passait, je ne sais pas si tu te souviens, Baptiste, mais qui a été enlevée des Jeux et il y a eu un plebiscite pour que ça revienne  et dans le choix c’est revenu donc le CIO a remarqué que la lutté était une figure importante des JO. On va avoir des sports émergents, tu vois des sports d’eau, il y en a plein qui n’y sont pas. Je ne sais pas, le kitesurf pourrait en faire partie, le wakeboard, des choses comme ça. Il va y avoir, j’en dis d’autres, mais ça peut être à l’été comme à l’hiver. En handi comme en valide. Et pour moi, je pense qu’à un moment donné, si on veut être les Jeux Olympiques de tout le monde, il faudrait qu’on ait une plus grande pluralité dans les choix des sports, qu’on s’y retrouve tous. C’est vrai que en attendant il y a des fois où les sports c’est contextuel. Là on fait rentrer le golf parce que c’est dans ce pays, on fait rentrer, je sais pas, en France on a fait rentrer le breakdance, qui est bien hein, j’ai absolument rien contre ça mais des fois on a l’impression qu’on fait rentrer aussi des sports qui sont liés … parce que c’est des sports tendances.

      Philippe Boisse 

      C’est politique

      Eric Boisse 

      L’évolution des JO serait des JO beaucoup plus incluants même si les sports traditionnels qui y sont depuis des années devront faire des sacrifices.

      Baptiste Chebassier 

      Ok. Mais donc, en soit, t’es plutôt pour l’ouverture à des nouveaux sports ? 

      Eric Boisse 

      Ah, complètement, complètement ! Voilà, idéalement, j’aimerais que ça reste pareil sur les sports à l’heure actuelle. Si ça  s’ouvre, après, les gens vont dire « Ouais, mais toi, t’as eu ton temps, t’as fait ton truc, t’es passé. Ta médaille, tu l’as eu par équipe. Si on enlève l’équipe, t’aurais pas eu ta médaille. » Oui, c’est vrai, j’aurais pas eu ma médaille. Et je me serais peut-être même pas qualifié pour les Jeux. Parce qu’avec le système, ça aurait été juste… juste ça aurait été un autre système. Mais ouais, moi je suis pour, j’ai envie, j’ai une fille de 6 ans. Voilà, les Jeux sont faits pour faire rêver, mais de faire rêver dans, voilà, comme elle, elle pourrait l’entendre, qu’on allume la télé, qu’il y ait un multi-écran sur plein de sports et qu’elle dise, tiens, papa, j’ai envie de voir cette fille faire du breakdance et qu’elle s’entraîne à faire des mouvements qu’elle a pu voir aux JO où qu’elle me disent que tiens le kitesurf ça a l’air sympa. Je dis ça c’est tous les sports que j’avais en tête là maintenant. Mais qu’elle ait envie, je ne sais pas. Là par exemple, on est allé voir un match de hockey. C’était une ligue mineure, mais elle a envie. Maintenant, elle a accroché sur le patin, elle fait du patin. Donc je pense que c’est pour rejoindre un peu ce que vous avez dit tout à l’heure. C’est l’engouement pour que les jeunes se mettent au sport. 

      Baptiste Chebassier 

      Ouais c’est vraiment ça l’objectif. 

      Philippe Boisse 

      Oui, mais ça passe aussi, Eric a raison, mais ça passe aussi par, entre guillemets, des vedettes. C’est-à-dire que ça passe par Jesse Owens, ça passe par Carl Lewis, ça passe par Usain Bolt, ça passe par Manaudou, ça passe par ces vedettes. Si on enlève, entre guillemets, les relais, par exemple, en natation, ou les relais en athlétisme, t’auras le 100 mètres, 200 mètres et longueur, mais t’auras plus le 4×100, t’auras plus le 4×400. Donc c’est aussi dénaturer peut-être un peu l’esprit de ce sport-là, Et puis, il y a sport et sport. C’est-à-dire qu’il y en a, c’est des sports. Il y a des sports artistiques où la note est une note. On sait très bien, par exemple, qu’en patinage, tu ne peux pas accéder à une médaille si tu n’as pas déjà été reconnu par les juges. Tu dois, dans un premier temps, te faire accepter par les juges. Et même si tu es le meilleur, tu ne feras pas de médaille. 

      Baptiste Chebassie 22:09 

      Ah ouais ?

       

      Philippe Boisse 

      Si t’es pas reconnu par les juges, ah non, il faut que tu rentres dans l’esprit des juges avant. 

      Baptiste Chebassier 

      Moi, c’est vraiment un truc qui m’intéresse. 

      Philippe Boisse 

      C’est triste. 

      Baptiste Chebassier 

      La devise des Jeux Olympiques, c’est plus vite, plus haut, plus fort, ensemble, maintenant. Mais plus vite, plus haut, plus fort, on voit aujourd’hui avec tous les sujets d’écologie, d’inclusivité, etc., que c’est pas forcément un objectif désirable, en tout cas pour certains. Ce qui est pourtant quand même incarné par le 100 mètres, c’est toujours la quête de la performance. Et que finalement, les sports qu’on voit rentrer, c’est des sports justement où il y a une subjectivité qu’il n’y a pas dans le 100 mètres. Le premier qui a passé la ligne d’arrivée, il a passé la ligne d’arrivée. 

      Philippe Boisse 

      Sauf s’il est dopé, sauf s’il est positif.

      Baptiste Chebassier 

      Oui ahah. 

      Eric Boisse 

      En plus de ça, pour reprendre ce que tu disais par rapport à cette devise, moi je l’ai vu j’étais à l’INSEP et j’ai fait mon DEUG et ma licence à l’époque de STAPS, donc science des activités physiques et sportives. Tu peux être dans les fédés ou tu peux être prof de gym. Et moi j’ai vu une nana en gym se faire les croisés sur un salto avant. Voilà elle était cycliste elle s’est fait les croisés. C’est juste pour dire qu’il peut y avoir des accidents. Et comme partout hein. J’ai vu à l’entraînement, j’ai vu une lame casser et rentrer dans le poumon d’un tireur, juste à côté de moi. Ça peut être un peu partout. Mais tout ça pour dire qu’il y a des sports, je vais prendre justement les sports de notation. Je ne parle pas des juges. Le côté des juges moi m’embête, comme tu dis, par rapport aux 100 mètres, tu passes la ligne. J’ai fait le meilleur, si je suis le meilleur, je dois gagner. En escrime, je touche je touche pas. On a cette subjectivité avec les arbitres, mais pour revenir sur les sports de notation, on va se retrouver que ça soit dans les nouveaux sports comme le BMX, que ça soit le skate, que ça soit en hiver, le halfpipe où on a vu d’ailleurs un athlète que tu vas sûrement interviewer, qui est au tennis médaillé au tennis, c’est en half pipe qu’il s’est brisé la colonne. Et encore, lui c’était un novateur. Ce qu’on leur demande, c’est, comme tu disais, plus vite, plus haut, plus fort. Donc si à un moment donné, je fais deux tours dans l’air, et bien pour avoir une meilleure notation il faudra faire trois tours dans l’air. Puis à un moment donné, quatre tours et puis créer des nouveaux tricks et il y a bien un moment où ça ne passe pas. Je ne peux pas dire que j’aimerais pas voir ces sports-là aux JO, parce que c’est des sports très spectaculaires parce ce que c’est des sports qui voilà, c’est vrai que j’ai des amis qui font du ski freestyle. Je les trouvent impressionnant. Mais après, il y a des côtés aussi où, où est-ce que ça va s’arrêter. Si c’est pour à la fin qu’on fasse un bilan et que comme au rugby ou au football américain il y ait des trauma crâniens à ne plus savoir qu’en faire et puis qu’en saut je veux dire, c’est pareil pour le ski je te mens pas j’adore(?) et que sur le halpipe il y ait des moyennes de 5% de l’orga chaque années qui finisse para ou tétra. Ça fait un peu lourd quoi. Je prends des chiffres au hasard, mais c’est vrai que Jeremiasz que je connais un petit peu, qui passe souvent dans les médias voilà c’est du ski,  il y avait Cyril Moré que t’interviewras sûrement, médaillé d’escrime qui faisait aussi du ski en handi  c’est  une bosse si je me souviens bien et  en gros il est tombé à ski et c’est un enchaînement de petites bosses au sol qui a tapé sa colonne et voilà. Et c’est vrai que quand on regarde aussi le rugby, toute cette problématique, toute cette polémique qu’il y a en ce moment sur le port du casque et les commotions ou les traumas crâniens, voilà, on se dit … Mais j’ai beaucoup d’amis rugbymans qui ne veulent pas que leurs enfants fassent du rugby. 

      Philippe Boisse

      Mais pour en revenir sur le subjectivité, il faut savoir qu’en 1900, il y a eu une médaille d’or de poésie. 

      Baptiste Chebassier 

      Oui, tout à fait. 

      Philippe Boisse 

      Et qui est-ce qui a gagné ? 

      Baptiste Chebassier 

      C’est Pierre de Coubertin. 

      Philippe Boisse 

      Pierre de Coubertin, sous un faux nom. Enfin, les juges savaient que c’était lui hein. 

      Eric Boisse 

      C’est Coubertin qui disait que l’essentiel, c’est de participer. 

      Philippe Boisse 

      Oui, c’est ça, oui. Mais il a dit l’inverse aussi, donc il a tout dit. 

      Eric Boisse 

      C’est amusant en fait il voulait perdre la ligne, c’est le roi du grand écart quoi. À un moment faut tout donner et à un moment non mais en fait c’est bien. J’aurais bien vu comment il a éduquer ses enfants lui

      Baptiste Chebassier 

      Il a repris la formule à un pasteur, je crois. 

      Philippe Boisse 

      Oui, oui, à Jules César Veni, Vidi, Vici mais j’ai mal traduit. Non, je plaisante. 

      Baptiste Chebassier 

      Et du coup, pourquoi l’escrime ?

       

      Philippe Boisse 

      L’escrime, d’abord, c’est une rencontre. Moi, c’est la rencontre avec le maître Forestier. Donc, c’est une rencontre. Et puis, l’escrime, ça a un avantage par rapport à d’autres sports. T’es plus gros, t’es plus lent, t’es moins technique, mais t’es beaucoup moins con. Bah, tu gagnes quand même. Alors que dans un sport, si tu fais le 100 mètres en 14 secondes, tu ne vas jamais gagner contre un mec qui fait moins de 10 secondes. On a cet avantage-là, c’est une confrontation individuelle mais physique aussi, parce qu’on échange, on n’est pas de l’autre côté d’un filet. Et même, le tennis, c’est un peu pareil. Le mec qui est plus intelligent que l’autre, même s’il est un petit peu moins fort techniquement, physiquement, il peut gagner. En escrime, t’as ça. T’as pas ça dans tous les sports. Pour moi. 

      Baptiste Chebassier 

      Et toi, Éric ? 

      Eric Boisse 

      Oui, alors pourquoi l’escrime ?  Déjà d’une certaine manière, c’est un sport de combat sans pour autant risquer qu’il y ait un K.O. et des trucs comme ça. Je me souviens d’avoir fait du judo et d’être tombé sur la tête, je n’avais pas du tout aimé. C’est vrai qu’on peut prendre des coups, si je puis dire. Le fait de pouvoir toucher la main, le pied, surtout à l’épée, c’est assez amusant. Mais moi, il y a une chose que je dis souvent, et je le ressens maintenant que je coach, mais je le ressentais aussi enfant, c’est mettre un masque pour faire tomber les autres. C’est-à-dire que quand on met ce masque-là, quand on met le masque d’escrime, on est dans son monde et on voit la vie ou ce moment-là d’être sur la piste, cet entraînement ou ce combat avec notre… Il n’y a rien d’autre qui compte. On a un peu du fait du masque, on a nos œillères et on peut totalement être soi-même et laisser notre personnalité s’exprimer. 

      Baptiste Chebassier 

      Est-ce que vous êtes fier d’avoir été tous les deux médaillés ? 

      Eric Boisse 

      Oui, alors oui, bien sûr, d’avoir fait le même sport, d’avoir fait… d’avoir fait des médailles, de ce titre olympique. Alors, même si moi, j’en ai moins, mais voilà, j’aime bien, ça me va. Après, je dirais que c’est sympa aussi d’avoir cette… Ce qui est aussi sympa, c’est d’avoir cette connexion. En en disant peu, on en dit beaucoup aussi. C’est-à-dire qu’on n’a pas besoin de dire 50 phrases sur un sujet pour qu’on sache de quoi on parle et de ce qu’il a fait ou des choses comme ça. Après, le seul truc, c’est que moi, je n’ai pas été aussi piqué que mon père. Dans le sens où il y a des fois, on parle d’escrime, et puis ouais, mais non, je n’ai pas envie de parler d’escrime. En plus, peut-être aussi parce que moi, je suis entraîneur d’escrime. Et donc, forcément, je le vis au quotidien. J’en fais, voilà, je suis à 6 ou 7 heures par jour dans l’escrime donc quand j’en sors j’ai envie de savoir comment vont mes parents, comment vont ci, de savoir ce qu’il s’est passé à ce tournoi de machin de choses, c’est intéressant de temps en temps mais pas tout le temps. Donc il y a à la fois ces connexions et puis en même temps, c’est vrai que je suis tombé dedans un peu comme Obélix quand j’étais petit, mais après j’aime bien aussi faire autre chose pour moi.

       

      Philippe Boisse 

      Pour moi, c’est une grande fierté, non pas ce que j’ai fait, mais c’est une grande fierté de ce qu’a fait Eric, parce que quand t’es le fils de.., c’est lourd. Quand t’es le fils de, papa, il a gagné les championnats du monde individuels par équipe, les Jeux individuels et par équipe, c’est lourd. À chaque fois, il avait 14-15 ans, on lui mettait dans la gueule, on lui mettait dans la gueule, on lui mettait dans la gueule. On faisait toujours des comparaisons, des comparaisons qu’il n’y a pas à faire, parce que lui, c’est lui, moi, c’est moi. Il avait une escrime complètement différente. Moi, j’étais avec une poignée française à rallonge, lui, il était avec une poignée orthopédique. Il avait sa philosophie de son combat sur la piste. Moi, j’avais la philosophie de mon match sur la piste, bien qu’on ait échangé sur comment tirer untel, untel, untel. Mais c’était beaucoup plus dur pour lui. C’était beaucoup, beaucoup plus dur pour lui. Il a fallu du temps. C’est la fierté de mon épouse Patricia et de moi en 2004. Moi, je commente ses matchs en plus, t’imagines. Pour moi, ce qu’il a fait, c’est monstrueux. C’est monstrueux parce qu’il fait médaille en cadets individuels, deux médailles en juniors individuels, champion du monde junior par équipe, champion du monde senior par équipe trois fois, champion olympique par équipe. Il gagne la Coupe du Monde individuelle en 2007, ce que je n’ai jamais fait.

      Eric Boisse 

      Sans avoir gagné de compètes.

      Philippe Boisse 

      Il a pas gagné une compétition de l’année, il gagne la Coupe du Monde. Moi, je ne la faisais pas, la Coupe du Monde, parce que je n’avais pas le temps, je faisais médecine en même temps, donc je ne faisais que quatre ou cinq compètes par an. Même pour les Jeux en 2004, j’étais premier de la Coupe du Monde, j’ai refusé de faire les deux dernières. Et pour lui, ça a été dur. Pour lui, ça a été dur. T’imagines le fils Hollande ou le fils Sarko qui se présente pour les présidentielles ? Déjà, quand il va se présenter pour une mairie, il va en prendre plein la gueule. Quand il va se présenter pour être député, il va en prendre plein la gueule. Quand il se présente pour les présidentielles, ça va être encore plus. C’est toute proportion gardée. Pour lui, c’était beaucoup plus dur. Dès qu’il a eu 14-15 ans, dès qu’il fait la finale des championnats de France minimes, il a 14 ans. Il a 14 ans et là, c’est boum, référence, boum, référence, boum, référence. Et il a réussi à faire… Si bien qu’à la fin de sa carrière, ce qu’il y a de bien c’est que je me présentais, je disais le père d’Éric et c’est ça qui passait. Les gens commençaient à le dire pendant sa carrière que j’étais le père d’Éric et non plus Éric le fils de Philippe et ça pour moi c’est une grande fierté. 

      Baptiste Chebassier 

      Je vous remercie pour votre écoute et j’espère que cette rencontre avec Philippe et Eric Boisse et l’escrime vous a plu. J’ai personnellement beaucoup aimé leur complicité et leur passion infinie pour ce sport dont ils connaissent tous les résultats par cœur. Leur rapport père-fils m’a beaucoup touché. Vous pouvez découvrir d’autres histoires de médaillés olympiques sur ce podcast et sur les réseaux sociaux. Si vous avez aimé cet épisode et si vous voulez soutenir le projet artistique *AMATEURS*, n’hésitez pas à vous abonner, à partager ce podcast à vos proches et aux amoureux du sport, à laisser un commentaire et à mettre 5 étoiles sur les plateformes d’écoute. Je vous remercie pour ce moment partagé ensemble, pour votre temps, et je vous dis à bientôt.