2024 – Danis Civil – Prendre du plaisir, pilier de sa performance olympique – Breakdance
Et pour cet épisode, j’ai eu la chance de rencontrer Danis Civil, alias Dany Dann, médaillé d’argent de breakdance aux Jeux de Paris 2024 dans le superbe stade de la Concorde.
Il nous raconte sa découverte de ce sport accessible à tous, de sa préparation pour arriver aux Jeux Olympiques prêt puis son parcours triomphant jusqu’à la finale pour remporter la seule médaille d’argent de breakdance de l’histoire à la maison.
Danis Civil alias Dany Dann
Je me suis mis un petit peu la pression parce que j’ai perdu ce truc de kiff. Je me suis dit il faut que je sois revanchard par rapport à la victoire de l’après-midi et j’ai perdu ce petit côté, j’étais plus en mode je veux gagner et non en mode je veux juste kiffer. Et en fait moi je suis plus un danseur de ce type là, de ce gabarit là. En mode plus je kiffe et plus je vais montrer que je suis fort.
Baptiste Chebassier
Bonjour à toutes et à tous, je suis Baptiste Chebassier et j’écris à la main les 30 249 noms des médaillés olympiques depuis 1896. Cette grande fresque fera une fois terminée 130 mètres de long et je rajouterai pendant les Jeux de Paris 2024 les noms des nouveaux médaillés olympiques. Et pour la première fois, j’ajouterai aussi ceux des médaillés paralympiques dont la base de données n’existe malheureusement pas. Je souhaite rendre hommage à travers ce projet artistique à tous ces athlètes qui s’engagent et donnent tout ce qu’ils ont pour vivre l’aventure des Jeux. Ils consacrent ce qu’ils ont pour moi de plus précieux, leur temps. J’ai longtemps écrit le nom de personnes décédées, et une fois le nom du premier médaillé encore en vie inscrit, j’ai eu envie de partager ce moment d’écriture avec les vivants. Vous écoutez le podcast AMATEURS, qui vous partage dans chaque épisode ma discussion avec un médaillé olympique que je rencontre chez lui, ou par téléphone, pour écrire son nom en sa présence, et qui me raconte son histoire, celle de sa médaille, et celle de son sport. Je découvre que ces médaillés ont tous un point commun avec vous, auditeurs. L’amour du sport. Ce sont donc comme vous, des amateurs. Et pour cet épisode, j’ai eu la chance de rencontrer Danis Civil, alias B-Boy Dany Dann, médaille d’argent de breakdance au jeu de Paris 2024 dans le superbe stade de la Concorde. Il nous raconte sa découverte de ce sport accessible à tous, de sa préparation pour arriver aux Jeux Olympiques, puis son parcours triomphant jusqu’à la finale pour emporter la seule médaille d’argent de l’histoire du breakdance. Et ça, à la maison.
Bonjour Dany !
Bonjour !
Vous allez bien ?
Ça va, merci et vous ?
Ouais, bah nickel ! Merci beaucoup de prendre le temps d’échanger avec moi. C’est très cool et félicitations pour votre médaille !
Merci ! Merci, merci.
Franchement, c’était top. Ces jeux, ils sont incroyables, de toute façon. Il se passe un truc qui est fantastique.
Oui, les Jeux sont passés là, et c’était incroyable pour les athlètes français. Ça a été quelque chose de vraiment génial. En tout cas, moi, je les ai super bien vécus. C’était extraordinaire.
Gros plaisir. Du coup, je ne sais pas si c’était très clair pourquoi je voulais discuter avec vous aujourd’hui. Du coup, si ça vous va, je vais vous présenter vite fait le projet. Moi, c’est Baptiste Chebassier, je suis artiste. J’ai écrit tous les noms des médaillés olympiques depuis 1896, à la main. Donc ça fait les… Il y en avait 30 249 jusqu’à Paris 2024. Et donc là, je suis en train de rajouter ceux de Paris 2024. Du coup, j’écris ça à la main sur cette structure-là que tu vois derrière toi. C’est des rouleaux de papier qui font 10 mètres de long sur 1 mètre 30 de haut. Et donc ça, c’est le 125e mètre. Tu vois, j’ai écrit ceux qui ont gagné la veille de votre médaille. Donc il y a les footeux, les Frères Lebrun… Enfin non, il n’y a pas les frères d’ailleurs, il y a juste Alexis et Simon Gauzy du ping-pong. Et voilà. Et donc en fait, depuis que j’ai commencé à écrire, il y a un moment où je me suis mis à écrire des gens qui étaient vivants, parce qu’avant ça j’ai écrit beaucoup de gens morts. Et petit à petit, j’ai décidé de les rencontrer et d’échanger avec eux pour qu’ils me racontent leur histoire. Ça a remonté le temps en fait. J’ai commencé par Charles Coste, qui était l’avant-dernier relayeur de La Flamme. Et lui, il m’a raconté les Jeux de Londres en 1948. Et petit à petit, j’ai eu douze échanges. Et chacun a des années différentes en fait des Jeux ce qui fait que c’est un peu les grands témoins en tout cas par rapport à mon projet de ce qui s’est passé pendant leurs Jeux Olympiques. Et donc le but c’est de faire pareil avec toi et que tu me racontes ton histoire, celle de ta médaille et celle de ton sport. Voilà c’est ça aujourd’hui qui m’intéresse, si ça te va.
Pas de soucis. Par quoi je vais commencer ? Tu veux que je commence directement par les Jeux ou par la qualification ?
Comme tu veux, par la qualif, ouais. Ou même par comment t’as découvert le breaking.
Ah ouais, là on remonte à 21 ans de carrière. Moi, comment j’ai commencé ? J’ai commencé par hasard. Grâce à mon cousin, je jouais au foot de base. J’ai commencé en Guyane, j’avais 14-15 ans. Ma passion, c’était le foot, comme tout jeune de quartier, et je me promenais et du coup, après, je passe devant une maison de quartier où j’entends de la musique. Je ne reconnais pas la musique. Moi, en tant que curieux, je vais voir ce qui se passe. Je m’arrête devant la porte et je reconnais la silhouette de mon cousin qui était en train de pratiquer du breakdance. Je ne savais pas ce que c’était. Je voyais plein de jeunes de mon âge. Et ça, c’était impressionnant parce que je me suis dit mais qu’est-ce qu’il fait là ? Je ne sais pas ce que c’est, je ne connais pas, je ne reconnais pas la musique. Et je reconnais juste quelques têtes, et mon cousin. Et c’est à partir de là que je me suis dit ouais, j’ai envie d’essayer parce qu’il y avait mon cousin. Je pense que si il n’y avait pas mon cousin, je ne sais pas si j’aurais fait du break. Et du coup, je reste l’heure et demie à observer, à regarder. Et je me dis ouais, j’ai envie de faire ça parce que je sens que c’est quelque chose d’assez passionnant, je sens qu’ils sont en train de prendre du plaisir. C’est un sport vraiment, vraiment top. Et de là, à la fin du cours, je repars avec mon cousin, je vais chez ma tante, sa mère, et là, c’est là qu’il commence à me montrer ce qu’il savait faire, ce qu’il avait appris. Moi, je suis tombé amoureux direct parce que j’avais déjà des capacités physiques. Tous les après-midi, on partait faire des accros, on jouait au foot. En fait, on faisait tout sport qui nous passait par la tête et qu’on avait envie en fait. J’avais déjà un petit peu des capacités, des petites bases vite fait, se mettre sur les mains en équilibre, des trucs comme ça, mais des trucs que nous on faisait basique pour rigoler. Et en fait, il s’avère que c’était bénéfique pour le break. Donc j’intègre, on a créé un groupe. Mon premier groupe s’appelle Boogie West et c’est de là que tout commence. C’est là que tout commence, on commence à s’entraîner tous les après-midi après l’école. Le mercredi, presque toute la journée, on était dans une salle de danse, on faisait que ça, s’entraîner, s’entraîner, s’entraîner. En fait, on profitait de notre adolescence. On kiffait la danse donc on s’entraînait tous les jours. Le week-end c’était pareil, ma mère ne savait pas où j’étais et mes frères non plus parce qu’ils faisaient le tour de la ville, ils ne me trouvaient pas alors que j’étais dans une salle en train de m’entraîner, en train de kiffer. Et c’était ça le kiff. Donc en 2005, mon premier championnat de Guyane que je remporte. Moi je suis content et je continue à m’entraîner parce que c’était mon sport favori. Entre temps j’ai lâché le foot parce que je trouvais plus de plaisir dans le break que dans le foot, et c’est ce qui m’a nourri, c’est ce qui m’a donné envie de danser, parce que ça me plaisait. 2008, avec mon cousin on décide de quitter la Guyane pour la métropole et c’est à partir de là que tout commence. On arrive à Paris, mon meilleur ami nous réceptionne, on est hébergé chez lui pendant quelques temps et il nous emmène sur les lieux mythiques de la culture du breaking. Donc c’était La Défense, c’était Gare de Lyon, c’est là aussi où il y a plein de danseurs qui venaient s’entraîner tous les dimanches, presque tous les soirs après 18h. Et en fait, on a baigné là-dedans et c’est de là que je me suis forgé, que j’ai repris les fondations du breaking et que j’ai connu les battles underground. Donc ça, c’était un plaisir fou parce que j’ai rencontré du monde. Tous les week-ends, il y avait des battles soit à La Défense, soit dans toute l’île de France, il y avait tout le temps des battles. Donc ça, ça m’a nourri, ça m’a forgé mon caractère et ça m’a permis de me faire connaître dans le milieu du breaking. Entre temps, j’ai intégré des grands groupes comme 97X. 97X, c’est un groupe, on va dire, le concept c’était de mettre en avant les Antillais, donc Guadeloupe, Martinique, Guyane et Réunion. C’était notre truc, donc on était qu’entre Timal. C’est comme ça qu’on nous appelait, les Timals, donc moi ça me plaisait parce que je me retrouvais avec des personnes avec qui on avait la même culture, on parlait le même créole et c’était cool. Donc on a fait le tour de l’Île-de-France, on a commencé à voyager un petit peu entre Espagne, Allemagne, Hollande, Suisse, Belgique. Vraiment on commençait un petit peu à s’expatrier et plus on s’expatriait et plus on commençait à avoir un nom, à se faire connaître vraiment dans le milieu. Moi surtout je commençais à me démarquer sur le milieu individuel, sur les compétitions en solo. C’est devenu ma spécialité, ce n’était pas vraiment ce que je kiffais, mais j’avais des capacités qui me permettaient de, donc je me suis dis pourquoi pas allez vas-y. J’aimais ça en tant que compétiteur. Je me donnais le plaisir d’aller faire des compétitions en solo. Et en 2012, je remporte mon premier championnat de France. Je suis super content. C’était une fierté pour moi. Ensuite, j’intègre le groupe qui s’appelle Phase T. C’est un groupe phare du breaking mondial. Ensuite, de 2012 à 2015, je change de groupe. Je passe à un autre groupe phare qui était encore plus grand et qui s’appelle Vagabond. J’en suis encore un membre actif. En 2015, je remporte le championnat de France pour la deuxième fois et je remporte quelques battles internationaux à gauche à droite avec Vagabond. Donc ça c’est top. En termes de renommée mondiale, je commence à être de plus en plus connu, je commence à être de plus en plus invité. Je commence à remporter quelques battles à l’étranger, à l’international. Donc ça, c’est top. En 2018, je décide de reparticiper aux championnats de France que je remporte, et par la suite, mon premier championnat du monde, que je gagne le Battle of the year 2018 en solo. Et ça, pour moi, c’est un graal, c’est un vrai plaisir parce que c’est la première fois que je deviens champion du monde en solo, donc je suis de plus en plus connu, de plus en plus respecté. Je ne suis plus reconnu comme le petit Daniel qui vient d’arriver de Guyane, mais comme un membre adulte et confirmé, qui a un caractère, qui a une présence, qui arrive à défendre la France. Donc ça, c’était un plaisir pour moi, c’est un plaisir pour moi. Et 2019, ils font la présentation du breaking aux Jeux. Pour le coup, je suis un peu, pas sceptique, mais je suis assez observateur parce que c’était un peu mitigé. Il y en a qui voulaient, il y en a qui ne voulaient pas. Au final, ça a intégré. Moi, entre temps, j’étais déjà aide-soignant de base. J’étais déjà diplômé aide-soignant et j’ai eu mon premier enfant. J’ai eu mon premier enfant, donc j’avais une vie assez, pas stable, entre l’hôpital, la maison et les voyages. Je pouvais être en Corée la veille et rentrer le lendemain pour aller bosser. C’était ça ma vie. Après je décide de m’intégrer, de participer à la partie fédérale, la partie sur le milieu olympique, par rapport au championnat, donc je m’inscris, je prends une licence, je gagne les qualifications régionales, c’était assez facile parce que j’avais déjà un niveau international, donc ça c’était déjà un pied dedans. 2021, je participe au premier championnat de France que je perds en finale, donc je suis vice-champion de France en 2021. Et là, l’équipe de France m’appelle pour faire des rassemblements, c’est qu’ils appellent la plupart des athlètes en breaking, pour faire des rassemblements, des stages, on s’entraîne ensemble, des semaines ensemble où on s’entraîne. Et ça, pour moi, ça a été bénéfique parce que je rentrais dans un nouveau cadre, un nouveau milieu, et pour moi, c’était top. Et c’est de là que naît l’objectif Jeux Olympiques. Parce que je me suis dit, OK, je peux prétendre pour les Jeux, je peux prétendre pour me qualifier déjà. 2022, je me représente pour le championnat de France que je remporte. Ça, pour moi, c’est un honneur. Je gagne le championnat d’Europe 2022 à Manchester, qui fait que je suis le premier Français champion d’Europe en breaking. Pour moi, je me dis que c’est cool, mais ce n’est pas assez parce que j’ai envie de marquer l’histoire comme c’est la première fois et j’ai envie de marquer mon nom historiquement dans le breaking. Donc, je gagne le championnat d’Europe 2022. 2023, je suis champion de France, champion d’Europe. En 2023, je remporte ma première Coupe du Monde, mais sur la partie fédérale. Donc moi, je suis content, c’était au Brésil. D’ailleurs, en finale, c’était contre le Canadien Phil Wizard. Je fais la médaille d’or au WDSF Brésil, aux Coupes du Monde. Juste après, je gagne les Jeux européens. C’est mon ticket direct pour les Jeux. Les Jeux européens, je gagne les Jeux européens donc je suis le premier Français qualifié aux Jeux. Pour moi, c’est une consécration parce que je rentre encore un peu plus dans l’histoire. Pour moi, c’est cool. Donc là, j’ai un an pour me préparer. Je continue, je commence ma préparation avec mon coach personnel, Omar Remichi. C’est avec lui que j’ai fait toutes ces médailles et c’est avec lui que j’ai encore fait cette médaille olympique. On travaille pendant un an, on prépare, on observe les adversaires, on fait le travail qu’il faut, travail mental, physique, avec le staff de l’équipe de France en parallèle. Ça, c’était toute ma préparation. Arrivé un mois et demi avant les Jeux, je me blesse. Je me fais un rupture ligament de la cheville. C’est le plus grave en termes d’entorse. Pendant un mois et demi avant les Jeux, un mois quinze jours avant les Jeux, j’ai fait tous les protocoles. J’avais une botte de marche. Pendant six semaines, j’avais une boîte de marche et je faisais ma prépa physique à une jambe. Je travaillais tout vraiment pour rester en forme physique sans solliciter ma cheville. Ça a été un moment très dur. J’ai été entouré de ma famille, de mes amis proches et surtout du staff de l’équipe de France. Ça, c’était une partie des Jeux Olympiques très, très, très dure, l’avant JO. Ça, c’était très dur. Une fois qu’on a enlevé la botte, pour moi, c’était une délivrance, mais ce n’était pas encore fini parce qu’il me restait deux semaines, parce que ma cheville n’avait pas encore fini de cicatriser. C’était vraiment, je jouais avec le fil. Tous les protocoles qu’on avait fait, je les ai tenus à la lettre. Après, la guérison a été instantanée. J’ai repris confiance en ma cheville. Ça, ça a été un travail de longue haleine et surtout un travail très, très long. Et ça a été un travail vraiment mental. Arrivé aux Jeux, donc pression médiatique, interviews, conférences de presse. Mais tout ça, on était déjà préparé parce qu’on avait un prépa physique et une fédération qui nous suivait à ce niveau-là. Donc préparation pour les médias, avec les journalistes, les interactions. Après épreuve, c’est-à-dire que moi j’avais été préparé étant essoufflé, transpirant, après épreuve, après une victoire ou une défaite, en fait j’avais prévu le coup. Mon objectif c’était de vraiment présenter le breaking comme il se doit et j’ai pas envie de faire d’erreur parce que j’avais pas envie d’écorcher les puristes du breaking et aussi bien présenter la danse au grand public. Donc avec des mots qui parlent à monsieur et madame Tout-le-Monde et aussi avec des mots qui parlent aux puristes.
Ah ça doit être dur ça !
Non non c’est pas dur parce qu’en fait on a fait un travail avec l’équipe de France et aussi moi je suis un puriste donc ça fait 20 ans. Ça fait 21 ans que je pratique, je connais les termes, je sais ce qui parle à M. et Mme Tout-le-Monde, je sais quels mots employer. Et après je me suis beaucoup documenté sur comment dialoguer, j’ai beaucoup appris comment les athlètes, comment eux, ils dialoguent avec les médias, avec M. et Mme Tout-le Monde, donc je me suis inspiré de ça. Pour moi, ça a été un exercice très très simple. Je connais mon sujet, ça fait 20 ans que je faisais ça donc je me dis qu’il n’y a rien de compliqué, j’explique juste ce que j’essaie de faire. Et quand c’est un puriste, je parle technique. Et quand ce n’est pas un puriste, j’utilise des mots qui se rapprochent et qui vont plus parler à ce public-là. Donc pour moi, c’était normal. Donc la pression publique, la pression des médias, ça j’arrive à gérer parce que je sais que je suis bon. Mais maintenant, il faut montrer à tout le monde que je dois être prêt à toute épreuve, surtout à être prêt le jour J. Vu que je me suis qualifié un an avant, j’étais plus ou moins pressenti comme potentiellement médaillable. Il y avait une pression en plus de la Fédération, des médias. Je voyais des articles qui sortaient de moi, Danny, c’est un médaillé, un potentiel médaillable. Au début, ça me mettait une pression, après, je me suis dit, de toute façon, ils disent ce qu’ils veulent, c’est à moi d’être présent le jour J, parce que c’est mon caractère. Une fois arrivé au village, pour moi, je me suis dit, “c’est tes seuls Jeux”, parce que le breaking ne sera pas reconduit en 2028. Moi aujourd’hui j’ai 36 ans, en 2028 j’en aurai 40. Pour Brisbane j’en aurai 44, “donc profite maintenant, juste vis tes Jeux pleinement”. Donc j’ai décidé de tout faire comme protocole, Cérémonie d’ouverture, j’ai kiffé, vraiment je me suis dit je ne peux pas ne pas les faire, je dois les vivre. Déjà mon épreuve était à la fin. Donc je me suis dit sur le bateau j’ai tout kiffé avec les tenues, avec tous les athlètes, on était 471 athlètes. Il n’y a pas tout le monde qui avait participé parce que le lendemain il y en avait qui avaient leur épreuve. Donc ça c’était une petite frustration parce que moi je n’ai pas pu vivre les Jeux pleinement, parce que je devais rester concentré, pas trop me fatiguer, pas trop me montrer parce que je devais rester concentré. Surtout, pas trop faire la fête parce que c’est un petit peu festif, le village olympique, parce que c’est une consécration. Les athlètes ils ont quatre ans pour préparer les Jeux et du coup, il y en a qui sont concentrés, il y en a qui passent après, il y en a qui sont sur place, il y en a qui kiffent vraiment l’instant présent de ce que propose le village. Donc ça, c’est assez cool. Donc là, moi, je l’ai été quelques fois. J’ai baigné dans la foule en tant qu’athlète. Je suis parti au Club France pour ressentir un petit peu la vibes du public français. J’ai kiffé. Il y en a qui m’ont reconnu, il y en a qui ne m’ont pas reconnu. Je me suis dit, j’essaie de passer incognito, de juste kiffer la vibe des grands écrans, de la foule, des sportifs ce qu’ils peuvent faire ressentir au public. Je me suis dit, ah ouais, quand ça sera moi, ce sera peut-être comme ça, comme ça, comme ça. Et ça, c’était cool de se baigner dans la foule pour aller chercher les bonnes énergies positives pour la compétition. Donc, trois jours avant la compétition, on était dans le village avec la conférence, conférence de presse avec toute l’équipe de France, donc interview. Moi, j’explique mon ressenti, comment je me suis préparé. J’ai posté ma vidéo un mois et demi avant, le jour où j’ai enlevé la botte. Mais en fait, j’ai posté des vidéos, donc tous les médias, ils ont sauté dessus parce que j’étais pressenti médaillable. En plus, champion d’Europe, double champion d’Europe, une coupe du monde. Je sentais l’espoir du public français sur mes épaules. Je me disais, bon, ça va, c’est supportable, c’est rien de spécial. C’est rien de plus, c’est pas une pression en plus, j’ai juste à moi danser, faire ce que je sais faire et puis voilà. Donc après arrivé le jour J, tout se passe bien. Déjà pour les filles, nous c’était la veille, les filles c’était le 9, donc moi je vais aller voir les filles pour découvrir. Donc malheureusement Carlotta, elle passe pas les poules. Il y a Sissi qui passe les poules, donc c’est la seule survivante des Round Robin, c’est les phases de poules, où elle perd en quart de finale. Donc voilà, déçu, dégoûté, mais bon, je me suis dit bon, c’est pas fini parce qu’en fait, nous les garçons, on fait notre enjeu, on fait notre entrée. Donc pas de pression. La veille, je suis reparti au village. J’ai fait ma préparation tranquille, tous mes protocoles d’avant compétition. Donc là, c’était cool. Toujours ce stress, c’est indéniable, je ne peux pas passer à côté. Le lendemain, la compétition commençait à 16h. Je me réveille, petit déjeuner, tranquille, je me prépare tranquillement, je fais tout mon protocole d’avant battle. Je m’isole, j’écoute de la musique, je fais monter la pression tout doucement. Donc ça c’étaait l’objectif. Et puis voilà, arrivé aux Jeux, donc je me prépare, arrivé à l’épreuve, je me prépare, je faisan sorte de me sentir bien. Et premier battle, je tombe contre Phil Wizard dans ma poule. Je perds 2-0. Donc j’avais imaginé cette option de 2-0. Si je gagne ou si je perds, parce qu’en fait, mon objectif, c’était de terminer premier de ma poule pour me continuer le deuxième de la poule suivante. Donc malheureusement, j’ai perdu le premier point. Et ensuite, j’avais Phil Wizard, le Canadien dans ma poule, j’avais l’australien J Attack dans ma poule et ensuite Kuzya Ukraine. Donc deuxième battle, c’est là que je reprends la main. C’est là où je remontre au public qui est Dany Dann. Parce qu’en fait, j’ai mal démarré. C’est toujours ça mon problème. En général, je démarre pas top, pas top top mon entrée pour le battle. Et après, ainsi de suite, je ne fais que monter crescendo en termes d’intensité, de tout ça en fait. Donc ça pour moi c’était l’apogée, c’était vraiment top. L’Australien, comme il y avait neuf juges, c’était sur deux passages, donc j’ai pris deux fois neuf points. Donc ça, ça m’a remonté au classement, ça m’a fait du bien. Entre temps, Phil Wizard et Kuzya, eux, ils ont fait 1-1. Donc sur le terme du classement, ça s’échelonnait. Kuzya il avait 25 points, Phil Wizard il avait 23 et moi j’avais 23. Donc ça s’est joué à quelques points. Donc là, mon troisième battle, il fallait que je gagne les deux passages pour rentrer en quart. En sachant que je tombais sur le premier de la poule, si je perdais un vote, c’était cuit pour moi et il fallait que je gagne les deux. Je me suis dit, c’est maintenant que tu dois
montrer au monde que Dany Dann il est présent, qu’il faut que tu prennes plaisir, que tu l’éclates. Je me suis dit, tu connais ta recette, il faut que tu l’éclates. J’ai laissé la magie opérer et au final je lui mets, en termes de score, 14 à 4. Donc c’est un bon score, ça me permet de remonter au classement et surtout de montrer au public que je suis là, que j’ai passé les phases de poule. Malheureusement, mon partenaire Lagaet, deuxième français, il n’est pas passé à un point. C’est la loi du battle, les round robin c’est ça. Moi, j’étais le seul Français en lice pour les quarts de finale. Ensuite, je tombe contre un ami à moi, un Américain, Jeffro. C’est un danseur qui est de la même capacité que moi, de l’énergie, du caractère, de la musicalité et surtout vraiment l’esprit battle. C’est quelqu’un avec qui on s’est déjà affronté, qui m’avait battu trois fois, je l’avais battu deux fois, et du coup, c’est toujours bonne ambiance. Donc moi, je me suis dit, tu tombes contre toi-même, c’est quelqu’un qui est dans la même catégorie que toi, donc juste kiff et montre vraiment avec plaisir qui est Dany Dann. Donc c’est ce que j’ai fait sur les trois passages. Donc le premier passage, en fait, lui, il prend le point. Moi, je me dis, que c’est pas grave il reste encore deux passages. Juste toi, amuse-toi, ne te mets pas de pression. Et ensuite, le deuxième point, je le prends, le deuxième passage, je le prends, je gagne le deuxième point. Et le troisième point, je le prends aussi. Mais du coup, j’ai gagné 14 à 12 en termes de points global. Ça c’est joué vraiment à pas grand chose. J’étais content parce que je me suis dit, j’accède en demi-finale. A partir des demi-finales, je me suis dit je fais la même recette comme je tombe contre le champion du monde en titre et je n’étais jamais tombé contre lui. C’était la première fois, donc il faut qu’il goûte un petit peu ce que c’est que Dany Dann. Surtout là, on est en finale, on est en France, on est en demi-finale et surtout la demi-finale c’est à double tranchant. C’est soit tu perds la demi-finale et tu vas faire la petite finale pour la troisième place et si tu perds, tu perds tout, du coup tu es au pied du podium. Et si tu gagnes, t’es à la troisième place. Et vu que moi je voulais pas la médaille de bronze, je me suis dit, je vais me donner à fond pour arriver en finale. Et je danse super bien, j’étais super serein. J’ai gagné les deux premiers passages. Et le troisième passage, en fait, il le gagne. Mais le but c’était d’arriver, c’est le premier. C’est en trois passages, c’est le premier qui a le plus de voix, le plus de points. Et du coup, moi, je gagne les deux premiers passages. Je me suis amusé, je me suis régalé, je n’avais pas de pression. Et j’étais heureux parce que je me dis, au moins j’ai une médaille, je termine avec une médaille. Et maintenant, rester concentré pour savoir quelle sera la couleur de la médaille? Donc pour moi, je vous le dis, c’est déjà historique. Avant même la finale, je me dis, ce n’est pas fini encore parce que j’ai envie que ce soit encore plus historique. J’ai envie de terminer avec la médaille d’or. Comme ça, je termine en grâce. Je suis bien. Pour moi c’est top, rien que pour le palmarès, pour la culture, parce que c’est la première fois et que moi en tant que potentiellement médaillable, je montre à tout le monde qu’ils avaient prédit quelque chose de fort et bien, donc c’est appréciable, mais j’ai envie de montrer encore plus que potentiellement médaillable mais avec la médaille d’or.
Au final Victor il va faire la troisième place contre Shigekix, le japonais, que Victor remporte haut la main. Donc je me suis dit, c’est cool. Et maintenant, je me suis dit, quelle sera la place ? Est-ce que ça sera Dany-Phil Wizard-Victor ou Phil Wizard-Dany-Victor ? Au final, en fait, ça ne s’est pas joué comme je voulais. Je me suis mis un petit peu la pression parce que j’avais perdu ce truc de kiff. Je me suis dit, il faut que je sois revanchard par rapport à sa victoire de l’après-midi et j’ai perdu ce petit côté, j’étais plus en mode je veux gagner et non en mode je veux juste kiffer. Et en fait moi je suis plus un danseur de ce type là, de ce gabarit là, en mode plus je kiffe et plus je vais montrer que je suis fort. Et si je vais me concentrer pour gagner et je serai concentré, il y aura moins de kiff mais je vais montrer qu’il y aura des mouvements forts, ce sera moins mature, ce sera moins savourable, ce sera moins apprécié. Donc c’est l’erreur que j’ai faite, donc malheureusement pour moi, Phil Wizard il gagne. Mais je reste quand même content parce que je réalise l’exploit que j’ai fait et surtout aux autres participants que j’ai éliminé et surtout qui ont été éliminés avant les tours et qui repartent de bredouille. Donc je me dis… Prends plaisir, t’as fait une médaille d’argent aux Jeux, t’es médaillé olympique. Qu’est-ce que tu veux faire ? J’ai pris du plaisir, je suis resté souriant sur toute la compétition parce qu’à chaque tour, je prenais plaisir. À chaque tour, je me disais, allez tu te reposes, tu te rapproches du titre. Aujourd’hui, je suis fier de ma médaille. Je suis fier de ma médaille parce que je ne repars pas à Bredouille et je rentre dans l’histoire du breaking, donc pour moi, c’était l’objectif. Tous les retours que j’ai eus, c’est par rapport à ma présentation, à ce que j’ai présenté, par rapport à mon sourire, la présentation que j’ai fait, l’énergie que j’ai mis, l’énergie positive que j’ai présentée. En fait, je n’ai que des retours positifs. À part ceux qui me font des retours avec le breaking, qui a pris la place du karaté et que ça ne devait pas. Bon je me dis que ce sont des non-sportifs qui parlent. Comme d’habitude, ce sont les premiers qui parlent, ce sont ceux qui n’ont jamais fait de sport. De toute façon, eux, ils ne sont pas champions olympiques. Moi, je suis champion olympique. Je surf sur la vague que me propose cette médaille. Je suis content. Je suis rentré en Guyane. J’ai été reçu comme un médaille olympique. Donc, moi, content, content, pris d’émotion. Et là, de retour en France, en métropole pour vivre les choses,
remercier les sponsors, remercier le public, remercier le public français. Et là c’est comme ça que moi j’ai vécu les Jeux. Plus de pression, moins de pression, j’arrive à redescendre petit à petit. Là j’ai pas eu le temps de couper depuis les Jeux, et là je redescends petit à petit par rapport à l’adrénaline qui est montée pour les Jeux.
Trop bien. Merci beaucoup pour ce récit. J’imagine l’adrénaline, elle doit être encore un peu tapante, là.
Ouais, elle est encore un petit peu là, mais ça va, je commence à mieux gérer l’adrénaline.
Comment ça fonctionne, ces systèmes de points, de notes ?
En fait, il y a des critères qui sont basés sur la musicalité, l’originalité, le vocabulaire, l’exécution et la prise d’espace. Les jurys, ils ont une tablette avec le danseur A et le danseur B et en fait eux c’est un pourcentage et ensuite la machine elle calcule et elle donne le vainqueur. Donc ils sont neuf juges, donc ils calculent tout le temps, ils mettent les pourcentages, la machine calcule et ça donne le pourcentage et c’est par vote.
Ok. C’est marrant que ce soit exprimé en pourcentage.
Moi je trouve que c’est bien. C’est mieux de dire toi t’as gagné, toi t’as perdu, toi t’as gagné. Tu vois c’est en pourcentage, tu sais si t’as gagné à 46%, si t’as gagné à 30%. Moi je trouvais que c’était mieux en termes de calcul et c’est plus précis. T’as gagné à 79%. J’ai trouvé que c’était top, c’est que t’as vraiment pris l’avantage. C’est plus simple que dire que ouais t’as gagné. Comme ça nous aussi on a des statistiques, savoir les caractéristiques de chacun, parce que vu qu’on a un style, mais en fait les mêmes choses, tu marques les points sur à peu près les même choses. Donc on sait à peu près dans quel domaine tu es fort, dans quel domaine tu es faible et nous ça nous a permis d’améliorer nos lacunes et d’améliorer nos capacités parce qu’on sait qu’on est fort dans quelle chose et on sait qu’on est moins fort dans cette chose-là. Parce qu’en fait, les juges, on gagne moins de points, on a moins de pourcentage sur ces critères-là. Donc, on avait juste à travailler sur les critères sur lesquels on était moins fort. Et c’est comme ça qu’on a pu progresser, parce que tous les participants que j’ai vu aux Jeux, ils ont tous progressé en un an. Parce qu’on faisait tous ces statistiques-là qui ont montré que le niveau était assez serré et assez élevé.
- Et ton cousin, il était là, du coup ?
Non, il n’a pas pu venir. Il était en famille. Mais il était derrière son écran parce que j’ai reçu son message la veille. On a longuement discuté et il m’a donné son message d’encouragement. Lui, il a arrêté le breaking, mais il fait du sport de combat. Il est en boxe Muay Thaï. Il est double champion du monde, double champion d’Europe et triple champion de France. On reste dans le sport tous les deux, donc on a ce côté de confrontation qui nous tient encore, qui nous lie encore, le côté familial. Mais ça, c’est top. Vu qu’il était là au début et qu’il m’a vu faire ma médaille, ça, pour moi, c’est assez touchant et reconnaissant.
OK, trop bien. Toujours deux grands sportifs, quoi. Écoute, je vais commencer. On va juste écrire Victor Montalvo. Danis Civil et Phil Wizard.
Et bah voilà, c’est rajouté. Bah écoute, merci beaucoup pour ton temps et cette histoire. J’avais encore 150 000 questions, mais je suis sûr qu’on aura l’occasion de se recroiser un jour. Profite encore un peu de l’adrénaline et à la prochaine. Merci beaucoup.
Merci beaucoup, à bientôt.
Je vous remercie pour votre écoute, et j’espère que cette rencontre avec Danny Civil alias B-Boy Danny Dan et le breakdance vous a plu. J’ai été marqué par son explication de sa défaite en finale. Danny, il doit avant tout prendre du plaisir pour pouvoir être performant à son tout meilleur niveau. Vous pouvez découvrir d’autres histoires de médaillés olympiques sur ce podcast et sur les réseaux sociaux. Si vous avez aimé cet épisode et si vous voulez soutenir le projet artistique AMATEURS, n’hésitez pas à vous abonner, à partager ce podcast à vos proches et aux amoureux du sport, à laisser un commentaire et à mettre 5 étoiles sur les plateformes d’écoute. Je vous remercie pour ce moment partagé ensemble, pour votre temps, et je vous dis à bientôt !