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Vignette podcast AMATEURS - Frédéric Villeroux

2024 – Frédric Villeroux – Accepter d’aggraver son handicap pour atteindre son meilleur niveau – Cécifoot

Et pour cet épisode, j’ai eu la chance de rencontrer Frédéric Villeroux, capitaine de l’équipe de France de Cécifoot et médaillé d’or en Cécifoot aux Jeux Paralympiques de Paris 2024 au pied de la Tour Eiffel.

 

Il nous raconte sa discipline le Cécifoot qui se joue avec un masque sur les yeux et un ballon à grelots pour repérer le ballon à l’oreille. Il nous parlera de son parcours semé d’embuches pour devenir éducateur sportif, son émotion pendant la finale et son combat pour permettre à chacun de pouvoir pratiquer une activité sportive quelle que soit sa situation de vie ou son handicap.

Frédéric Villeroux

J’ai vécu deux rêves en fin de compte. Mon rêve de tout petit était de devenir éducateur sportif, et médaillé aux Jeux Paralympiques et encore plus quand on est chez soi.

 

Baptiste Chebassier

Bonjour à toutes et à tous, je suis Baptiste Chebassier et j’ai écrit à la main plus de 32 000 noms de médaillés olympiques depuis 1896. Pour la première fois, j’ai aussi écrit ceux des médaillés paralympiques de Paris 2024. Cette immense fresque fait désormais 135 mètres de long. Je souhaite rendre hommage à travers ce projet artistique à tous ces athlètes qui s’engagent et donnent tout ce qu’ils ont pour vivre l’aventure des Jeux. Ils consacrent ce qu’ils ont pour moi de plus précieux, leur temps. J’ai longtemps écrit le nom de personnes décédées. Et une fois le nom du premier médaillé encore en vie inscrit, j’ai eu envie de partager ce moment d’écriture avec les vivants. Vous écoutez le podcast *AMATEURS*, qui vous partage dans chaque épisode ma discussion avec un médaillé olympique ou paralympique que je rencontre chez lui ou par téléphone, pour écrire son nom en sa présence, qu’il me raconte son histoire, celle de sa médaille et celle de son sport. Je découvre que ces médaillés ont tous un point commun avec vous, auditeurs, l’amour du sport. Ce sont donc, comme vous, des amateurs. Et pour cet épisode, j’ai eu la chance de rencontrer Frédéric Villeroux, capitaine de l’équipe de France de Cécifoot, et médaillé d’or aux Jeux Paralympiques de Paris 2024, au pied de la Tour Eiffel. Il nous raconte sa discipline, le Cécifoot, qui se joue avec un masque sur les yeux et un ballon à grelots pour repérer le ballon à l’oreille. Il nous parlera de son parcours semé d’embûches pour devenir éducateur sportif, de son émotion pendant la finale et de son combat pour permettre à chacun de pouvoir pratiquer une activité sportive, quelle que soit sa situation ou son handicap.

 

Frédéric Villeroux

Je me présente, je suis Frédéric Villeroux, capitaine de l’équipe de France de Cécifoot, vainqueur du tournoi Paris 2024, à Paris au pied de la Tour Eiffel. J’ai été aussi médaillé d’argent avec l’équipe de France en 2012 lors des Jeux de Londres. Et après, avec l’équipe de France, j’ai obtenu deux titres de champion d’Europe 2009 et 2011. Et aussi l’équipe de France est championne d’Europe en 2022 mais  par contre, moi je n’ai pas pu y participer. Dans ma vie professionnelle je suis éducateur sportif, sur la région bordelaise. Je travaille avec du public, tout type de publics, ca peut aller de la personne … maintenant, c’est des publics éloignés du sport. Donc ça peut partir de prisonniers, aux seniors, aux enfants avec des situations de handicap et des enfants ordinaires, du public ordinaire.

 

Donc ça, ce n’est pas qu’avec des personnes en situation de handicap ?

 

Non, je travaille vraiment avec tout type de public qui peut être en situation de handicap ou des problèmes de santé ou des problèmes d’insertion. C’est pour ça que je parlais des prisonniers, ça peut-être des personnes qui n’ont pas d’argent, ça peut être des personnes sans-papier, voilà c’est assez vague. Toutes les personnes qui sont éloignées ou qui se disent éloignées ou que la société éloigne du sport.

 

Ok, métier passion un peu j’imagine ?

 

Oui, depuis mon adolescence, une prof de sport m’a donné cette envie de partager. Le sport, c’est du partage, c’est des valeurs. Depuis cette date que je l’ai rencontrée elle m’a donné envie de faire de même et j’avais toujours l’idée de devenir prof de sport. Malheureusement, mon cursus à l’école n’était pas top pour pouvoir prétendre être prof de sport. Encore plus en situation de handicap. Et récemment, depuis 2019, parce que j’avais déjà tenté de passer les diplômes de mon côté, et non pas par l’école, mais en tant qu’éducateur sportif donc un cran en dessous. Et en fin de compte en 2005, j’ai pu passer tous les écrits, mais tout ce qui était sur terrain c’était fermé, on me bloquait les portes. Ce qui pouvait être compréhensible, parce que l’inclusion avant ce n’était pas trop encore dans les mœurs, on va dire. Et en 2019, c’est là où la vie c’est beaucoup de rencontres. J’ai rencontré mon sélectionneur en 2000 qui m’a fait devenir champion paralympique. Au niveau de mon métier, j’ai rencontré en 2019 mon employeur. C’est un travail d’Homme, c’est un échange, des échanges qui amènent sur des projets, et en fin de compte de ces projets, tu arrives à en faire ton rêve. Et de là, la personne avec qui… parce qu’en fin de compte c’est parti, sur Bordeaux dans le Cécifoot, il y a un club dans la région et après, c’est dans les grandes villes où le Cécifoot je veux dire se développe. Et sur Bordeaux, il y avait l’UNADEV Bordeaux (Union Nationale des Aveugles et Déficients Visuels) et il y avait un autre club qui s’appelle le SAM (Sport Athlétique Mérignacais), mon club actuel où je suis salarié, où je travaille, recherchait quelqu’un pour encadrer des personnes sur du loisir, mais au niveau Cécifoot. Et moi j’avais toujours eu cette envie, j’encadrais déjà avec l’UNADEV, j’ai fait des sensibilisations et là j’ai eu l’opportunité de le faire de mon côté. Et en fin de compte le responsable quand il m’a rencontré, il a vu que j’étais déficient visuel, que voilà, j’avais quand même un palmarès qui parlait pour moi, il m’a dit moi aucun problème, de toute façon voilà t’es bénévole, donc entre parenthèse des bénévoles dans un club, dans une asso, on n’a pas besoin de diplôme, donc tu peux encadrer l’équipe. Et de là, on a échangé, on a échangé, parce que moi j’ai dit quand même, voilà c’est bien, mais le projet professionnel c’est encore mieux. J’ai dit que j’avais passé mon tronc commun, l’écrit, et il me fait “ils n’ont pas pu te faire passer les spécifiques?”. Et là je lui ai dit “ben non, parce qu’étant déficient visuel, pour eux, la sécurité, c’est mort”. Et là, il m’a dit, moi je t’ai vu encadrer, ça fait deux mois que t’encadres les jeunes, je n’ai jamais vu de faille, au contraire. Il m’a dit, moi si tu veux, je suis un ancien de telle structure, si tu veux, je peux en parler au responsable. Et de là, de fil en aiguille, j’ai pu passer mon diplôme, haut la main je l’ai eu. Et voilà, ça a cassé des barrières, des à priori. Même le responsable de la formation, quand c’était par téléphone ou par écrit, il avait des à priori, quand, en fin de compte c’était juste avant que je parte au championnat d’Europe 2019, deux jours avant mon responsable m’a dit, mais va au culot, va le voir. Parce que là, il me dit oui, mais dans un sens, j’entends non. Donc, va le voir quand même, va le rencontrer, perds deux heures, tant pis, mais va le rencontrer. Et en fin de compte d’être allé le voir, il a vu que j’étais quelqu’un qui pouvait se déplacer, autonome, dans les échanges qui paraissait correct. Et donc, ça a cassé les a priori, et limite, je lui ai dit, si vous voulez, on fait un test pendant un mois, vous me prenez en formation et si derrière vous voyez que ça ne match pas vous me dites que ce n’est pas possible et aucun problème et donc un mois après, tous les éducateurs sportifs en fin de compte on est obligé de passer une séance où on nous met en situation un peu de difficulté pour voir si on peut mettre en sécurité le public, et en fin de compte j’ai pu répondre très facilement et c’était je ne vais pas dire inné mais c’est un peu comme les chiens autour des moutons et tout de suite, j’ai pu amener mon groupe dans un périmètre plus petit, les encadrer au niveau sécurité et en fait, tout de suite, on m’a dit ben non, c’est bon, aucun problème de sécurité, on fait la formation. Et donc voilà maintenant j’ai vécu deux rêves, mon rêve de tout petit qui était de devenir éducateur sportif et médaillé aux Jeux Paralympiques et encore plus quand on est chez soi. Je veux dire, ma vie, ma vie, elle est… voilà en plus, maintenant, j’ai une famille. Je vis la plus belle vie que j’aurais pu attendre.

 

Vous êtes un homme comblé là.

 

Tout à fait. Je cherchais le mot, c’est ça. Franchement maintenant je ne peux plus être autant comblé. C’est génial.

 

Excellent. Et vous faisiez quoi avant 2019 ?

 

Au chômage, où aussi, j’aidais l’UNADEV Bordeaux, qui m’avais salarié en tant qu’aide éducateur sportif. J’aidais l’éducateur sportif sur les sessions, sur les séances. Quand il y avait des sensibilisations avec des enfants, du public, j’aidais aussi. Je travaillais, mais en même temps, mon poste était surtout, on me payait comme sportif. J’avais 30% de travail où j’encadrais et les 60% c’était du temps consacré au sport.

 

Vous, à votre pratique ?

 

Oui, c’est ça.

 

Parce que du coup, ce que j’ai vu, c’est que vous avez commencé votre carrière en 2003, c’est ça ?

 

Alors j’ai commencé, le Cécifoot c’est deux disciplines, deux pratiques. Il y a la pratique qu’on a vue lors de ces Jeux, donc avec un ballon et un masque sur les yeux. Donc ça c’est la catégorie des non-voyants, appelée B1. Catégorie B1, comme en athlé, il y a T11, nous c’est T1, Blind One, on appelle ça. Et après, la deuxième catégorie, c’est les malvoyants, donc ça va être les B2. Donc là, c’est une catégorie, c’est des personnes qui voient un peu plus qu’un non-voyant. Quand on est B1, on a soit un reste visuel léger ou pas de lumière, où on est non-voyant. Mal-voyant, on voit un peu plus que des formes, on voit des lumières, on voit la forme, on voit des couleurs, on voit pas mal de choses. Mais pas autant qu’un B3. Un B3 va voir encore un peu plus. Et s’il y avait la catégorie B4, je crois que ça serait au-dessus de 5 dixièmes.

 

Ok, donc concrètement vous, vous pouvez lire, vous pouvez reconnaître quelqu’un au visage ?

 

Oui. Moi je suis mal-voyant donc je suis classifié B1, mais je suis entre le B1 et le B2. C’est un peu une catégorie un peu bâtarde, on va dire. Mais voilà, je ne vois pas assez pour jouer en foot-salle en catégorie B2-B3, mais je vois trop pour être en B1. Donc je suis vraiment entre les deux. Et comme le masque, lui, opacifie tout, en fin de compte, que tu sois même un voyant, même vous, si vous venez, on peut essayer le cécioot, je vous mets le masque et là, vous êtes non-voyant. Parce que vous allez être dans le noir total. Donc voilà. Et donc j’ai commencé les malvoyants de 1998, on va dire, ou 99, à 2001. Et après, j’ai vivoté un peu entre les malvoyants et les non-voyants. Je suis arrivé sur… parce qu’à la base, j’étais sur Toulouse pour la scolarité du collège au lycée, on va dire. Et après, je suis parti sur Bordeaux pour ma vie professionnelle, pour passer un diplôme d’agent d’accueil. Ce qui était à l’époque, quand on était en situation de handicap visuel, c’était soit accordeur de piano, soit kiné, soit agent d’accueil. C’était des métiers bien définis, bien cadrés. Je suis parti sur Bordeaux. Et après là j’avais déjà rencontré le sélectionneur qui est Toussaint Akpweh. Lui m’a dit, tu es plutôt en échec chez la catégorie des malvoyants. Personnellement, tu ne prends pas de plaisir, même si t’en prends, parce que tu es avec tes copains, mais dans ton sport,  tu es plus en difficulté parce que le ballon tu le vois à la dernières secondes. Tu mets un peu en difficulté aussi tes coéquipiers parce que quand ils veulent jouer en passe avec toi, bah le ballon tu le vois à la dernière seconde donc soit tu l’attrapes ou soit tu le manques. Et il y avait eu la phase où l’acceptation de l’handicap, de dire je suis malvoyant mince maintenant je vais me plonger dans le noir quoi. Pendant ma pratique et moi qui faisais, qui ai toujours fait du sport avec le peu de reste visuel que j’ai, c’était compliqué. Moi, de voir des couleurs, de voir des formes, en fin de compte, pour quelqu’un de voyant, ça paraît trop… bon, tu ne vois pas, en fin de compte. Mais si, moi tout ça, c’est mes… Je ne vais pas dire ma vie, mais pour moi, je suis obligé de me servir de mes yeux. Et donc, je ne pouvais pas passer dans cette étape. Et même, j’avais un a priori qu’un non-voyant ne pouvait pas courir. C’était pour dire, c’était pour moi, j’étais malvoyant, je courais, je faisais de l’athlétisme et de la natation. J’avais des bons résultats en athlétisme. Mais je pouvais pas, j’avais des a priori sur les non-voyants. Je me disais qu’un non-voyant, c’est pas possible, il peut marcher, ok, il a une canne, mais courir, pour moi c’était impossible. L’entraîneur, petit à petit, m’a montré qu’en fait, c’était possible, ça a commencé par des entraînements individuels, tout seul, et petit à petit, a passer avec des adultes, parce que j’étais jeune adulte. Et voilà, aussi, comme je disais tout à l’heure c’est les rencontres, j’aurais pu tomber dans un groupe où en fin de compte, un jeune… Nous, on était tous trentenaires faciles. Un jeune arrive dans l’équipe, on l’accepte, on ne l’accepte pas. Et ils m’ont accepté, c’est cool ça aussi. Le sport c’est ça, c’est l’échange, c’est le partage, c’est ce qu’ils avaient vécu ils me l’ont fait partager, t’inquiète pas, viens avec nous, tu vas voir. Au début, t’as peur, mais t’inquiète pas, il n’y a pas de danger. Au cécifoot, il faut se signaler donc quand on se déplace, ils m’ont tout mis en confiance en se signalant. Moi, je marchais eux ils couraient. C’est tout un processus où l’équipe en elle-même m’a mis en confiance. Ils auraient pu, voilà, ils étaient entre eux, dans leur bande, et voilà, quoi.

 

Et vous aviez quel âge, là ?

 

Donc, mon premier championnat d’Europe, c’est en 2003. 2003, donc j’avais 20 ans. Et donc, quand je suis arrivé à Bordeaux, j’avais 18. 

 

  1. Donc, en gros, si je résume, il a fallu que vous acceptiez, entre guillemets, d’aggraver votre handicap pour pouvoir pratiquer le sport au niveau où vous pouviez le faire, quoi.

 

C’est ça. C’est qu’en fin de compte techniquement je n’étais pas un foudre de guerre, mais par contre, au niveau de tout ce qui était cardiaque, je faisais de l’athlétisme, de la natation et de l’athlétisme, je n’avais pas de soucis. Donc, j’étais plutôt le poumon de l’équipe. Mais par contre, dès qu’il fallait toucher le ballon ou récupérer un ballon, sur l’homme j’y arrivais mais quand il fallait couper les lignes, le ballon des fois,je le récupérais parce qu’il me tapait dans le pied. Ce n’est pas moi qui allais au ballon parce que j’étais malvoyant, parce que je ne voyais pas assez. L’entraîneur m’a vraiment… Il m’a appris le foot, en plus je viens de la famille rugby et foot individuel. Donc, le foot, pour moi, c’était… Je le faisais juste, ce n’était pas par passion c’était pour être avec des copains. C’était vraiment le lien social.

 

Ah oui c’était vraiment pour le collectif.

 

C’est vraiment le collectif, j’avais envie d’être avec des amis. C’était plus une histoire de potes, ils m’auraient dit on va faire de la danse, j’aurais fait de la danse. C’était vraiment pour les suivre. Non, mais limite, c’est ça on m’aurait dit on va au cinéma, on s’insccrcit au cinéma, on prend un abonnement au cinéma, on aurait pris un abonnement au cinéma. Voilà, c’est à la base j’ai fait du Cécifoot pour suivre les copains.

 

Ok. Et donc, ce sélectionneur, c’est M. Toussaint, c’est ça ?

 

Oui, c’est ça Toussaint Akpweh

 

Toussaint Akpweh il a changé votre vie, en fait ?

 

Il a changé ma vie. Je suis parti, je vais dire, d’un athlète qui fait de l’athlétisme à un footballeur. Et maintenant voilà… Déjà, en 2012, j’avais été dans les trois premiers joueurs du monde. Et là, cette année c’est pareil. Quand t’arrives à rentrer dans le cadre des trois premier, c’est comme quand on reçoit le ballon d’or pour les valides. C’est le Graal. Tu es reconnu dans ton milieu, on parle de toi. Quand tu joues automatiquement, quand tu joues contre la Chine, contre la Turquie, contre des pays, tu sais que le nom Villeroux, on l’entend lors de la finale. T’as le coach il dit Villeroux, Villeroux, Villeroux. Ou Fred, Fred, Fred. Je me rappelle plus mais je crois que c’est Fred. C’est parce qu’on se connaît tous, c’est des milieux quand même assez petits, on connaît nos qualités. Ce n’est pas la même quand on dit Fred Fred, ça ne va pas être la même si on dit, je ne sais pas, un coéquipier, un autre coéquipier qui joue peu, il ne va pas avoir le même impact sur le jeu et sur le match. Pour moi, le coach m’a amené au summum. Même si je pense que j’aurais pu être encore plus prêt lors de ces Jeux, parce qu’en fin de compte plein de blessures m’ont suivies cette année. Mais voilà, il m’a amené en haut.

 

Parce que j’imagine les séances individuelles qu’il a faites pour vous aider à accepter de changer de catégorie, j’imagine que c’est un truc un peu bénévole, qui se fait au feeling, non ?

 

Lui, il était salarié quand j’étais en malvoyant, donc il descendait de Bordeaux à Toulouse, parce qu’il y a une antenne UNADEV à Toulouse, donc il était rémunéré. Il faisait les séances, il faisait un entraînement pour les malvoyants. Et après, sur l’année, il est descendu, mais je ne sais pas combien de fois, mais juste pour un joureur quoi, c’était juste pour moi. Et c’est là que tu sens, certes, il est rémunéré, mais il y a un engagement quand même. Il y a plein d’éducateurs, quand il y a une séance où tu n’as qu’un seul adhérent, la plupart du temps, tu fais, bon, on annule la séance. Et encore plus quand tu es à deux heures et demie de trajet, à deux heures de Toulouse, donc ça fait quatre heures aller-retour. Tu dis, bon, pour quatre heures, tu vas aller faire une heure de foot pour une personne, est-que ça vaut le coup quoi?

 

C’est incroyable.

 

Il a misé entre parenthèse, sur son temps, et ça a payé aussi. L’engagement, c’est pour ça que je trouve que le métier d’éducateur sportif ou prof de sport, certes, on doit rechercher de la qualité dans les personnes qu’on encadre, mais c’est un métier avant tout humain. C’est la beauté de ce métier, je trouve. Il y a le sportif, mais sans le sportif, s’il n’y a pas l’humain… C’est en échangeant avec la personne que tu peux connître ses projets ? T’apprends à connaître les personnes. C’est un métier où tu le vas dans l’intimité des gens. Tu travailles? Tu fais quoi? Tu as du temps? Voilà, tu rentres vraiment dans l’intimité est ce que tu as une femme, tu n’as pas de femme? Je peux te prendre si tu veux tiens viens le jeudi. En fin de compte, quand tu travailles et que tu as une vie de famille, si tu ne lui dis pas, il ne peut pas savoir. Donc voilà, c’est un métier où tu es obligé de parler, d’échanger, d’être proche de tes adhérents.

 

Ça, j’ai été fasciné dans chacun de mes échanges avec les athlètes par à quel point à chaque fois, comme vous l’avez dit, c’est une rencontre et souvent c’est une relation avec un coach qui sont allés bien plus loin que juste le sportif. C’est devenu… je me souviens de Christine Caron, qui est la première française à avoir porté le drapeau, qui a gagné à Tokyo en 64 et qui, elle, me racontait que son entraîneuse, elle disait entraîneur, son entraîneur, c’était un peu sa maman, sa prof, son enseignante, sa coach, son ami. Elle avait tous les rôles. Tout ça,

 

Toussaint Akpweh est parrain de mon deuxième fils. Voilà c’est parce que moi, il m’a changé ma vie. Il y avait une relation autre que sur le terrain et c’est pour ça aussi qu’on se connaît parfaitement. Je pense que l’entraîneur comme le joueur, ou comme l’athlète, doit avoir une relation plus que sportive. Parce que tu vas apprendre, si le sportif, tu sais qu’il a 3-4 plannings en fonction de ce qu’il fait dans la vie. Tu ne peux pas lui demander la même chose que la personne qui a un seul planning. Si la personne, elle a que son travail, mais que derrière, en fait, il fat rien d’autre, tu peux le pousser un peu plus. Mais voilà, je pense que la relation est essentielle encore plus dans le haut niveau. Et c’est la confiance, la confiance. Si, par exemple, moi, je n’ai pas confiance en mon sélectionneur, ou lui, il n’a pas confiance en moi, il y a un moment où ça va gratter dedans. On est obligé de se connaître tous par cœur. Certes, nos entraîneurs veulent nous amener chaque fois, par exemple, pour Paris 2024, c’était le seul à me dire qu’on allait aller chercher la médaille d’or. Nous, joueurs, on se disait, ah  si déjà on passe les poules wow on aura fait un tournoi magnifique déjà. Et pourtant, quand on entend les gens, passer les poules c’est bien mais bon. Pour nous, on est amateurs, la plupart des équipes sont professionnelles, déjà si on arrive en demi c’est franchement, on a fait le boulot. Et c’est parce qu’on est en France. Autrement, je n’aurais jamais dit qu’on allait passer les poules. On aurait été dans un autre pays, ça aurait été, on va essayer de gagner un match et on verra. Et en fin de compte non, t’es en France donc tu te dois de tout donner, mais voilà, avec une belle image. Tu peux tout donner et les gens, s’ils voient que tu t’es ruiné la santé sur le terrain et que tu as tout donné, ils ne peuvent pas t’en vouloir, même si tu es dernier du tournoi. Par contre, si tu prends ton temps, tu ne montres pas une belle image, entre parenthèse, tu peux arriver premier ou troisième ou dernier, les gens ne vont pas s’en souvenir. Je pense que là, les Jeux, ce qui a impressionné les gens, c’est l’engagement physique, ça a été le dépassement. Tu tombes, tu te relèves. Tu prends un but, tant pis, non, tant pis, tu baisses pas la tête. Et je pense que c’est ça où on a réussi à accrocher le public. Et par exemple, il y a plein de non-footeux qui se sont accrochés au Cécifoot. Autour de moi, il y a plein de gens, c’est le hockey, le rugby, l’athlé. Quand je leur disais le Cécifoot, ouais, bon, ok, c’est bien? Et quand ils ont vu le Cécifoot en réel, ou qu’ils sont venus sur des championnats, ou sur les compétitions ou qu’ils ont vus à la télé, tout le regard a changé. C’est autre chose. Il y a de l’engagement, c’est pas quand vous vous mettez un pet, c’est pas je fais trois roulades et aïe aïe aïe comme en foot classique. Voilà en foot classique, tu le touches à peine, il tombe, c’est pas pareil. Je pense que c’est ça aussi, c’est d’autres valeurs que les gens sont venus chercher, je pense.

 

Ah non, mais ça, c’était… Moi, je suis venu vous voir au stade, c’était impressionnant, quoi. À la fois l’ambiance, le silence, parfois des scènes un peu cocasses ou quand on n’est pas habitué, bah  on voit un joueur rater la balle ou tomber, c’est étonnant parce qu’on sait qu’en même temps il y a un ballon de foot, il y a des joueurs, il y a des cages. Donc cognitivement, il y a des vieux réflexes qui viennent. Et en même temps, de voir tous ces contacts, ces chocs, et la technique, les passes, l’orientation des joueurs, j’ai trouvé ça impressionnant. Et c’était, en termes d’émotion, il n’y avait aucune différence. Et c’est ça que j’ai trouvé le plus beau. C’est qu’on sentait que les gens se rendaient compte qu’il n’y avait pas de différence.

 

En fait si on coupe la tête du sportif, on peut imaginer que c’est du futsal. Si on regarde une vidéo, on n’est pas là à se dire, est-ce que c’est du cécifoot ? Ah, c’est du futsal ! On va entendre le ballon sonnant, on va dire, c’est quoi, il y a un truc derrière, c’est bizarre. Après, comme dans tout sport, moi je regardais du futsal, à un moment, il y en a qui manquent le ballon. Mais voilà, après, un peu plus chez nous, parce qu’il y a la déficience visuelle aussi. Il y a des moments où on pourrait prendre le ballon et on le manque. Mais je pense que la plupart des sportifs que vous avez vus lors des Jeux, ça reste quand même le summum. Et il y a très peu de déchets quand on voit les chinois, les brésiliens qui se font des passes millimétrées dans les pieds et t’entends un toc quand t’entends l’impact du ballon et que le ballon il reste dans les pieds, je ne connais pas votre âge mais je ne sais pas, à Marseille il y avait Brandao, quand il faisait un contrôle orienté le ballon il partait à 15 mètres voilà, tu te dis pourtant il a des yeux quoi. C’est ça aussi la magie du sport tu peux partir avec des a priori “Tu arrives au stade, tu te dis, bon, ils vont courir avec un chien, avec une canne, ils vont partir?”. Et en fait, non, tu vois les personnes, même dans le parasport en général, tu te dis, je pense que les gens sont venus avec des a priori. Et grâce à l’ambiance, ils se sont très vite mis dedans. Et après, ils ont enlevé le handicap et vu les sportifs en premier, avant de voir le handicap. Je pense que ça a vraiment tout permis d’effacer l’ambiance, les personnes qui ne sont pas allé aux Jeux Olympiques, mince les regrets, on va aller aux Jeux Paralympiques allez, on tente, on risque rien de toute façon. Et là comme il y a eu une super ambiance aux Jeux Olympiques ça a permis que les gens viennent au Paras je pense.

 

Donc vous pensez que c’est une bonne chose, vous vous êtes plutôt gardons les Jeux séparés, enfin l’un après l’autre?

 

Après on va me dire c’est compliqué, il faut plusieurs stades, le village il faut l’agrandir etc. Non, moi je suis plutôt sur le faire en même temps. Mais par contre, après c’est une idée, je ne sais pas si c’est faisable. Par exemple, je dis une bêtise, au Stade de France, il y a l’athlétisme, le 100 mètres, on fait un 100 mètres valide, un 100 mètres non-voyant, un 100 mètres je ne sais pas quoi, un 100 mètres fauteuil. Voilà, et on alterne les activités valides et paralympiques. Après certes, oui, ça va mettre place que ça dure. Les Olympiques, c’est trois semaines je crois. Les paras, on va dire ça fait deux semaines, donc allez, on part sur un mois. Je pense un mois, un mois et demi, certes, ok, ça va mettre plus de temps, mais peut-être ça aura encore plus d’impact, peut-être. Après, peut-être qu’on n’arrive pas à le faire, mais je pense qu’en France, on a voulu faire les Jeux, des nouveaux Jeux, je pense qu’on aurait pu peut-être tenter. On a toujours entendu parler qu’on voulait faire un nouveau truc, faire la cérémonie à l’extérieur, et donc ça, c’est génial. Et je pense qu’après, attention, c’est du travail, encore plus. Ça aurait demandé encore plus de travail de leur part. Ils ont fait les choses bien. Mais je pense que s’ils voulaient vraiment que ça reste sur la pierre en fait, il aurait fallu le faire en partage. L’équipe de France, c’était tous ensemble e bah là, ça aurait dû être les Jeux tous ensemble. Je ne sais pas comment on aurait pu appeler ça, mais je pense qu’on aurait pu. J’ai eu la chance de faire les Jeux de Londres. En fin de compte je trouve que pour le moment, notre société elle n’est pas au niveau des Anglais. Quand on est arrivé en 2012 chez les Anglais, on se balladait dans le village, en dehors. Et en fait, on était comme des athlètes ordinaires. Il n’y avait pas de… “Ah, ils sont en situation de handicap”. Et tu le sentais dans le discours des personnes. En France, moi je le vois encore avec des amis, on parle au chien avant de parler à la personne. Je me disais, mais merde, quand même, que le chien soit aidant, parce que voilà, c’est comme avec les enfants, quand tu as un enfant, tu vas plus facilement vers les gens. Tu ne parles pas aux chiens, tu ne parles à personne. Des fois, il y a des trucs qui me… je suis estomaqué. Mais mince, quand même ! Et moi, des fois, je fais en rigolant, je fais, “hé, Robert, t’as vu ? Et voilà, tu es transparent encore une fois. Elle ne te vois pas la dame.” Et voilà, des fois, tu casses comme ça, les… “Oh, excusez-moi, monsieur !” C’est triste d’en arriver là. C’est comme quelqu’un qui va travailler, qui va traverser le passage piéton. J’ai déjà eu des gens voulant bien faire, ils prennent la personne non-voyante, ils la tracte sur le passage piéton et ils la dépose au bout et partent.

 

Ah ouais.

 

Ils  peuvent dire “excusez-moi monsieur, vous avez besoin d’aide ?” Je ne sais pas, ils te disent oui, ou ils te disent non hein. Mais là, les gens… 

 

Et vous pensez que le regard a un peu changé ? Les comportements ont un peu changé depuis les Jeux ?

 

Ouais, je pense quand même. Je pense, j’espère en tout cas. Je pense que ça a quand même évolué. La personne qui me dit non, ça n’a pas évolué, ça serait triste. Par exemple, je sais qu’au niveau de cécifoot, on a au minimum touché 6 millions de personnes lors de la finale. Quand je dis minimum, parce que je sais que dans des endroits, quand tu es chez toi, tu ne regardes pas seul la télé. J’avais des amis qui étaient dans un bar, ils avaient mis la télé. Donc voilà, c’est 6 millions. Et donc sur ces 6 millions, tu te dis, ouais, il t’as au moins touché du monde. Avant les Jeux aussi, je travaillais au niveau des TAP (Temps d’Activités Périscolaires) aussi et au niveau des TAP, tu sensibilises les enfants. L’État a mis une grande visibilité lors de ces TAP, par exemple, il faut sensibiliser les enfants parce que c’est nos futurs citoyens. Donc si avant les Jeux, on ne les avait pas sensibilisés, si dans deux ans, les gens, les ados ou les jeunes adultes qu’on a sensibilisés, on ne l’avait pas fait avant. Peut-être qu’on aurait perdu des citoyens qui vont embaucher des personnes en situation de handicap ou qui vont travailler en tant qu’auxiliaires ou aidants. Je pense que les jeunes, c’est le public prioritaire à former, à informer, à sensibiliser. C’est vraiment les enfants. Je pense que ça part vraiment de l’école primaire, plus qu’au lycée où il faut que le public soit… pas touché, peut-être que touché c’est un grand mot, mais voilà, qu’il sache qu’en fait une personne avec un handicap est comme eux, peut-être qu’il va mettre plus de temps pour comprendre quelque chose, ou pour voir quelque chose, ou pour assimiler quelque chose, ou pour se déplacer, ou pour écrire, mais comme Monsieur tout le monde. Et c’est ce que je dis souvent, on a tous des différences, il y en a qui sont gros, fins, petits, grands, de couleur, on est tous différents, il y en a qui sont bons en maths, il y en a qui sont bons en français, il y en a qui sont bons en sport. Voilà on est tous différents et c’est ça aussi qui crée un monde existant. Si on était tous mathématiciens, tous des scientifiques, il y aurait peut-être un problème. Comment on pourrait fabriquer des machines si il y a pas des petites mains en dessous ? Je pense qu’on est tous différent, mais on avance tous à notre manière, mais on va tous vers le même objectif.

 

Et est-ce que vous pouvez-vous nous raconter ce tournoi olympique ?

 

Tournoi olympique, premier match contre la Chine. Dans ce match, on avait dit dans les vestiaires que s’il y avait un match à gagner, c’était celui-là. C’était celui-là qui pouvait nous permettre de gagner des points. Mais derrière, on savait que le Brésil, ça allait être très, très, très dur. Donc on avait misé sur zéro point contre le Brésil. Et derrière, on savait qu’on avait la Turquie, nous comme on est champion d’Europe, on savait qu’on avait le niveau vu qu’on les avait gagnés. Donc, c’était une équipe qui était battable. Donc, on pouvait anticiper les trois points. Ça nous faisait trois points, mais voilà si on voulait finir deuxième de cette poule, il fallait gagner les Chinois. Donc voilà, on s’était dit que sur ce match, on donne tout physiquement, techniquement, tactiquement. C’est là où il fallait être parfait et pas faire une faille. Je pense que c’est vraiment ce match où on a été le plus à l’écoute du coach, le plus près de nos niveaux techniques, tactiques de chacun. Je pense qu’on a tous compensé pour l’un, pour l’autre, à chaque moment, quand il y en a un qui était un peu en difficulté. Je pense que c’est le grand match du tournoi.

 

Ah ouais our vous, c’est le premier ?

 

Oui, parce que si on ne gagne pas ce premier match, on s’arrête en poule. Je ne vous le cache pas, on s’arrête en poule si on gagne pas celui-là. Donc voilà, c’est vraiment un match qu’il fallait gagner et qu’on a su gagner. Voilà, ça a été un tour de magie. C’est Khalifa, le ballon il passe entre les jambes du défenseur, il tacle et le ballon finit au fond du but. Voilà, franchement, sur ce tournoi, toutes les planètes étaient alignées. On aurait voulu faire un film avant les Jeux, tous les scénarios qui se sont passés en fin de compte, on n’aurait pas pu les imaginer. Mais vraiment, vraiment, c’est tellement de choses… positives comme négatives aussi parce qu’on a un joueur qui faisait partie du 4 type qui se blesse, Baba, et si il ne se blesse pas, on aurait pu être peut-être plus fort mais on aurait pu être “peut-être”. Il y a des joueurs qui se sont révélés ont fait un tournoi comme jamais, ils ont fait leur tournoi de leur vie. Par exemple, ça fait des années que Youme, je le connais, on est à Bordeaux ensemble, là il est parti sur l’Oise pour jouer en club mais moi depuis 2005, je le connais. et je le piquais chaque fois parce qu’ il n’arrivait jamais à avoir un niveau longitudinal. Ou en fait, quand il faisait un méga match, derrière, il faisait deux matchs, mais bidon, nul à chier. Mais vraiment, on en a parlé 15 000 fois ensemble, il n’arrivait jamais à faire un match et un second match bon. Et toute la compète, il n’a pas eu de hauts et de bas. Pendant le match, il a eu des hauts et des bas comme tout sportif. Mais chaque match qu’il a réalisé, c’était complet. Et c’est cool. C’est pour ça que je dis que toutes les planètes sont vraiment… Le tir au but, moi le tir au but, j’en tape chaque fois que j’ai un entraînement je m’entraîne et je n’y arrive jamais. Je les cadrent jamais. Et là, il y a un pénalty, j’arrive à le cadrer. 

 

Il est magnifique. 

 

Les gens quand je leur dis ça, ils me disent mais non, mais quand même, il y a du travail. Oui, il y a du travail. Mais comme je disais tout à l’heure, on est quand même le pays avec la Turquie, on est non professionnel. Et les autres pays, ça se voit techniquement, ils sont au-dessus de nous. La personne qui va me dire, mais non, mais non, là, je vais lui dire, mais regarde bien les matchs, parce que là, on n’a pas vu les mêmes matchs. Non, non, les autres pays sont techniquement, ils sont au-dessus de nous. Et il n’y a pas photo. Nous, on a compensé par le physique. Si vous avez bien regardé, nous, c’était un schéma de contre-attaque. On maintenait derrière, on essayait de maintenir les pressions adverses. Et dès qu’il y en avait un qui récupérait le ballon, il allait directement au but. On n’a pas cherché à faire des passes. C’était contre-attaque parce qu’à un moment, quand les autres sont plus forts, ils sont plus forts. Il faut savoir dire, OK, ils sont plus forts, mais qu’est-ce que je peux mettre en place ?

 

Vous avez été bon à ce jeu-là, en plus.

 

C’est là où tout ça a été fort, et nous aussi, on a pu le mettre en place. C’est qu’en fait, il faut être… Les autres ils utilisent les vidéos. Nous, on utilise les vidéos aussi. Mais par contre, quand ils nous passent les vidéos, on est avec une tablette, ils nous font déplacer des pions sur la tablette pour comprendre le positionnement des joueurs. Vocalement, ils nous expliquent les situations un peu plus que quelqu’un qui voit en fait. Et on a besoin de ça. C’est pas parce qu’on est non-voyant qu’on peut pas utiliser les techniques qui sont utilisées chez les valides et qui sont efficaces. C’est comme pourquoi on regarderait pas les coups de pied arrêtés des équipes adverses ? Nous, on va pas le voir, mais si on nous l’explique, c’est comme si on le voyait. Donc voilà, en fin de compte, ça reste du foot, ça reste du haut niveau, et le haut niveau, c’est du détail. Donc toutes les vidéos qu’on a vues, qu’on a suivies, qu’on s’est intéressées, le temps non passé sur le terrain nous a quand même permis de gagner. Et souvent, on l’oublie, les gens pensent que non, c’est que sur le terrain. Oui, il y a le terrain, mais oui aussi, il y a ce qui se passe autour du terrain.

 

Et vous lui avez dit quelque chose à Toussaint après le pénalty ? Enfin, après la victoire?

 

Je l’ai remercié, de toute façon, après, voilà. On se connaît depuis tellement d’années que quand on se prend dans les bras, même quand on ne se parle pas et qu’on se regarde, on comprend ce que la personne vit. Et là, on était dans un moment génial. Moi, le premier, quand il m’a dit Fred, tu vas tirer le pénalty, tu seras le troisième… Bah moi j’ai fait non, non. Pour moi, je n’ai pas eu le niveau pour aller tirer un penalty. Ce n’est pas que je voulais me défausser de ça. C’est que juste pour moi, il y avait d’autres joueurs dans l’équipe parce que les derniers stages qu’on avait fait, il y avait ces trois tireurs de penalty. Et en fait, lors du match, sur les trois, il n’y en avait qu’un qui était Hakim. Et après, Bob, Martin et moi, on n’était pas dans la liste des tireurs. Mais voilà, je suis capitaine, donc moi, quand il m’a dit que j’étais troisième… aucun problème, je suis capitaine, j’y vais, je l’assume. Et je pense que si les copains ont mis les buts avant, ça m’a permis d’être détendu, de savoir que même si je manquais, en fin de compte, c’était pas terminé. Donc voilà, je pense que c’est vraiment ça, c’est vraiment tout a été aligné. Le gardien, il a pris une frappe de Martin au-dessus de sa tête, il a pris une frappe de Hakim qui touche le ballon à mi-hauteur, tu dis mais… Normalement, les deux buts qu’on tire, nous les Français, ils ne rentrent jamais d’habitude. Et là, moi qui tire le troisième but, le gardien là il était perdu. Il s’est dit, mais attends, les deux buts avant, tu te dis d’habitude je les arrête. Le troisième, il ne sait pas les tirer il me le met dans le coin en bas là où normalement il ne sait même pas le mettre. Il était perdu le pauvre gardien. C’est là où des fois, tu te dis, mais voilà, la chance, tu l’as provoqué et en fait, tu as tout mis pour que la chance, à un moment ou l’autre elle tourne du bon côté.

 

Et vous pensez que l’ambiance, ça a joué ?

 

Je pense, c’est sûr. C’est sûr, c’est sûr. Après, je vais dire, ça dépend du sportif et des sportifs. Nous, ça nous a portés, ça nous a rendus encore plus forts. Mais ça nous a mis, voilà, sur un nuage. C’est ce que je disais tout à l’heure, on aurait été dans un autre pays, c’est sûr et certain qu’on ne fait pas les mêmes résultats. C’est là, moi je sais que personnellement, je jouais avec le public. Quand j’étais un peu rincé, je levais les bras, j’entendais le public crier. Et les spectateurs, peut-être eux, ils ne l’ont pas vu sous cet angle. Mais en fin de compte, dès que je demandais, dès qu’ils sentaient qu’il y avait peut-être un moment où ils pouvaient s’exprimer, ils s’exprimaient. C’est ça qui était génial. Il y avait vraiment un échange entre nous et le public. Et même à des moments, c’était pas voulu. Mais en tout cas, moi, personnellement, je préfère ça. Quand le public tant pis t’as une action, ou que l’équipe adverse a une action, et quand le public fait “Ouh !” ils s’enflamment. Franchement ça te donne des frissons tu te dis que c’est comme dans un vrai stade c’est comme si t’étais voyant et là les gens ils vivaient le match ils vivaient le match, ils étaient dedans c’est comme s’ils allaient au stade voir l’équipe de France jouer. Il n’y avait pas l’handicap en fin de compte. 

 

Non non il n’y avait aucune différence. Moi d’ailleurs en regardant la finale, j’étais devant la télé, je regardais la finale et après j’ai couru j’ai pris un vélo, j’ai traversé tout Paris et je suis allé au Club France. 

 

C’est ça limite c’est cool on a pris une deuxième médaille. Nous, ça nous a… Franchement, chaque fois que j’entends des gens dire, à un moment, on était à la maison, on criait. Du coup, mon visage s’illumine et j’ai la banane, juste d’entendre ça. Ça m’a donné envie d’aller au Club France, d’aller fêter ça. Super, c’est génial. D’habitude, on est passé de 30 spectateurs à 12 000. J’étais sur un nuage. Et d’autres athlètes au contraire, ça les a, dans certains sports, ça les a… Une chape de plomb au-dessus de leur tête. Et merde, je ne sais plus quoi faire. Comment je tire ? Comment je mets mes techniques en place ? Je ne sais plus quoi faire parce qu’en fait, trop d’attente, trop de regards sur soi. En ayant échangé avec certains, ils l’ont mal vécu.

 

Alors que vous, peut-être en plus, comme vous le dites, vous n’étiez pas attendu. En tout cas, vous-même, vous ne vous attendiez pas ?

 

Non, on n’était pas du tout attendus, mais c’est pour ça aussi qu’on fait le résultat. La Chine, quand ils nous voient, bon, la Chine que tu mettes l’équipe 1 ou l’équipe 2, pour eux, les Chinois, c’est les 8 mêmes, donc il n’y a pas d’équipe A et d’équipe B. Mais pour eux, ils se sont dit, bon, c’est la France quoi, on va attaquer, on va attaquer, et à un moment, ça va rentrer. Et les autres pays, c’était pareil. Le Brésil, ils savaient, ils avaient vu le match contre la Chine, donc ils se sont dit… Oh, ça va être dur. On avait fait la Coupe du Monde, on avait fait un match, on avait fait 1-0, on avait perdu sur une frappe où le ballon est dévié, le ballon il rentre vraiment à 3km à l’heure dans les buts. Je me dis bon, ok, pas de chance. Et là, en fait, quand ils nous ont montré que là, c’était les maîtres, ils nous ont montré que, ok vous êtes chez vous les gars, mais on va vous montrer, on va jouer au foot. Et donc c’est là qu’en fait, quand les gens nous disent, ouais, mais vous êtes champion paralympique vous êtes les plus forts. Bah non. Certes, nous, on est arrivés au bout, ok. Mais les plus forts, moi, personnellement, les plus forts, c’est… Et encore, pour moi, les plus forts, c’est les Chinois. Je pense qu’on les a surpris. Mais le match, heureusement qu’ils ne gagnent pas contre le Brésil parce que déjà, d’une, on ne passe pas. Le match Brésil-Chine. Et de deux, pour moi, les Brésiliens, s’ils sont menés par un sélectionneur qui parle foot, je pense que c’est autre chose. Je pense que le Brésil il faut qu’il s’approche parce que je pense que les Chinois dans un futur, si vraiment il y a un cadre footballistique, un ancien footeux ou quelqu’un qui a passé des diplômes au niveau foot, je pense qu’ils vont nous mettre la misère. Vu comment les mecs s’entraînent, vu techniquement comment ils sont bons, là, il leur manque juste les tactiques. Franchement, c’est juste la tactique qui leur manque.

 

Et ça, je me demandais, vous disiez que vous étiez une des seules équipes amateur. Ça veut dire que les autres, c’est leur métier, ils sont payés, ils jouent dans des clubs. Comment ça se passe ?

 

Moi, par exemple, j’aurais pu si je voulais après 2012 aller au Brésil jouer dans le championnat brésilien. Ils sont professionnels. Moi, j’aurais été payé 2 000 euros la semaine. Mais voilà, personnellement, ça ne m’a pas intéressé parce que d’une, je suis nul en langue et donc moi comme je le dis depuis le début, si je ne peux pas échanger avec les collègues, mo il faut que je puisse échanger, il faut que j’apprenne des autres. Ça m’enrichit, t’es obligé de rechercher à t’enrichir auprès des autres. Et ne parlant pas portugais ni anglais, après attention, je pense que j’aurais pu si j’avais voulu plus plus. Mais je ne voyais pas le but d’y aller. En plus, j’avais une famille, ça aurait été trop compliqué. Mais en tout cas, oui. Peut-être le seul petit regret que je peux avoir, c’est de ne pas être allé jouer un tout petit peu là-bas. Après, en Argentine, je sais qu’il y a un copain qui est allé jouer en Argentine. Donc voilà ils sont professionnels. C’est juste les Colombiens où on n’arrive pas à savoir si toute l’équipe est professionnelle. Je sais qu’il y en a, les quatre titulaires eux jouent au Brésil. La Chine, c’est la Chine. La Chine, je pense que c’est le pays qui… Nous, on ne pourrait pas le faire ce qu’ils font, mais eux, les gars, ils ont un tout le temps un ballon dans les pieds et ils s’entraînent jour et nuit. Et c’est vraiment, on va dire, des camps. C’est des camps, malheureusement. Quand t’arrives en… Moi je l’ai vu, j’étais en 2006, on est à la Coupe du Monde, il y a une équipe de tournage de la Chine qui arrive, et tous les meilleurs joueurs après que un an, après juste un an, ils te sortent 8 Ricardo. Tu te dis merde, comment ils ont fait quoi ? Parce que jour et nuit ils ont travaillé, ils ont vu, ils ont filmé le meilleur joueur du monde et ils ont fait des copies, ils ont fait des copies, mais réellement des copies.

 

Et c’était pas vous le meilleur joueur du monde ?

 

Non, non, en 2006, je ne l’étais pas. Je faisais peut-être partie des 10 meilleurs, mais non, non, c’était Ricardo et il y avait qui ? Vélo, un Argentin. Franchement, là, c’était Ricardo, il a joué à Paris il était. Et franchement, c’est quelqu’un techniquement au-dessus du lot.

 

Et vous l’avez été un jour ?

 

Non, non, j’étais Europe oui. J’étais meilleur joueur d’Europe en 2009, 2011 et 2019. Mais monde, non, non, non. Non, non, voilà, comme je disais, vraiment les Chinois, les Chinois techniquement, c’est des Chinois-Brésiliens, on va dire. De les voir jouer, franchement, le Brésil, mais même le Japon, ils ont accueilli Tokyo. Mais les gars de 2014 ils sont venus en France, ils ont fait un tournoi et là, ils nous ont dit qu’en fait, ils commençaient à être professionnels. Et ils sont toujours professionnels. Et t’as des joueurs qui ont… Il y a un des japonais. Bon, là, on n’en parle pas parce qu’ils n’ont pas fait de résultats. Mais le gars, il a 52 ans. Et le mec, il galope. Tu te dis, OK. J’aimerais avoir sa santé à son âge. Voilà, le gars s’entretient. Sa vie, c’est le sport. Il prend soin de son corps. Toi, quand t’es au travail, tu te blesses. T’as… Il est quelle heure ? À 22. Mince bah le kiné, j’irai demain si j’ai le temps. Ah mince, le kiné il peut pas me voir demain, je le repousse après demain, en fait ça va mieux donc je vais pas au kiné, tu te soignes pas et petit à petit moi j’étais le premier avant quand je me blessais, j’allais pas me soigner et maintenant on me dit t’es gentil, tu me pousses mais Coco, derrière il y a des séquelles et maintenant…

Surtout que les contacts sont impressionnants.


Après je pense que les gens restent sur… certes, il y a du contact, mais si on a la vue, ça reste des contacts de foot. C’est pas non plus… vas-y, je te rentre dedans comme en rugby. C’est parce qu’en fait, comme il y a la non-voyance, les gens sont wow, mais si on met à la même vitesse avec deux personnes qui se voient, les gens ne vont pas être… Oui, je pense que par contre, entre parenthèse, on n’est pas chochotte, quand on prend un choc, tu restes debout, tu dis aïe aïe aïe tu sers les dents et tu continues. Que peut-être au foot, le mec va rouler 3-4 fois au sol et il va attendre que l’arbitre siffle. Nous on ne peut pas. Si tu attends que l’arbitre siffle, il est peut-être à l’opposé du terrain et ton équipe, là t’es pas 11, donc t’es pas 10 sur le champ, là à 3 contre 4 sur un petit périmètre, ça peut vite piquer pour l’autre. Tu peux vite marquer un but, donc non, t’as pas le temps de te dire, aïe aïe aïe j’ai un peu mal à la rotule. Non, si t’as mal on verra la mi-temps ou à la fin du match. Mais où tu demandes un remplacement si vraiment tu peux pas. Mais voilà, après, c’est mon avis, peut-être que je me trompe, mais je pense que les impacts sont à peu près les mêmes qu’en foot classique. On joue à l’épaule, tu mets le bras un peu pour l’empêcher de passer. Et après, ce qui peut rendre un peu plus violent, c’est l’arbitre où il se dit “est-ce que c’est parce qu’il est non-voyant ou est-ce que là il a voulu lui mettre un taquet quoi?” C’est peut-être là où, pour les arbitres, c’est peut-être un peu plus compliqué. Mais à ce niveau, si vous cherchez la rotule du joueur adverse… ne vous inquiétez pas, c’est que c’est ce qu’il voulait. Il n’y a pas de oh, il est non-voyant, il ne sait pas où il vise. Non, non, ça détrompez-vous, mais vraiment bien. S’il veut chercher la cheville, il va la trouver. Le ballon, il sait que le ballon est passé. Souvent, des fois, on entend encore, j’ai entendu plusieurs fois pendant les Jeux, dire oh, il n’a pas fait exprès. Non, non, à ce niveau, si on veut mettre un taquet, on sait qu’on va mettre un taquet. À la finale, quand j’ai séché l’argentin contre la barrière, c’était un moment, voilà, ça faisait deux fois qu’on se faisait défoncer les joueurs. Un moment, personne ne répond. J’ai dit, ok, je suis capitaine, allez, vas-y, tant pis, on y va. Mais non, mais à un moment… 

 

Ahah ah mais c’est le sport hein.

 

Pourquoi nous, on se fait défoncer ? Pourquoi les autres, nous, on est tout doux avec les autres ? À un moment, ok, d’accord, ils sont gentils, mais bon, on est chez nous, quand même, il faut se faire respecter, quoi. Et après, sur une faute anodine, je prends un jaune. Je pense que c’est plutôt le cumul. J’aurais préféré presque… prendre le jaune sur la faute où le mec, je le sèche, que sur la petite faute où je le retiens à peine, je lui mets un petit coup de fesse et là, je prends le jaune. Même là, j’ai dit, mais attendez, je ne prends pas un jaune là. Ce n’est pas possible.

 

Et la ola silencieuse, vous l’entendiez ou pas ? Vous la ressentez ?

 

Nous, on a senti quand il y a eu un moment, le ballon est sorti. Donc, le gardien n’a pas pu relancer le ballon. Et on se demandait pourquoi le gardien adverse ne rejetait pas le ballon. Et moi, je me rappelle je me retourne vers le gardien, je me dis, mais qu’est-ce qu’il se passe ? Il me dit il y a quelque chose qui se lance, mais même lui je crois que le gardien était tellement concentré sur le jeu. Après, il a fait Ah non, mais il y a une ola ! Et c’est là où il nous dit qu’il y a une ola. On avait senti qu’il y avait quelque chose qui se passait dans le stade. Quoi ? On ne pouvait pas le dire. On ne savait pas s’il y avait un joueur blessé, pour nous, c’était quelque chose sur le terrain, ce n’était pas en dehors. Et après, les autres fois, on l’a senti parce que les gens, sans le vouloir, ils tapaient un tout petit peu des pieds. C’était léger. Quand ils se mettaient debout, tu tapes un peu des pieds. Et c’est là où on sentit qu’il y avait une ola après mais c’était plus avec l’habitude

 

C’est quelque chose qui existait déjà la ola silencieuse comme ça ou ça a été inventé ?

 

Je vais défaire le mythe. En fin de compte certes ça a été médiatisé au niveau du Cécifoot mais il paraît que ça a été fait au goalball en premier.

 

Ok mais à Paris 2024 ou ça avait déjà été fait ? 

 

Mais à Paris 2024. 

 

Ok excellent. Franchement c’était des émotions de faire partie de ça c’était incroyable.

 

C’est pour ça que je dis que c’est génial le public, même si ça a été fait avant, ça a été relancé, ça a été repris. Et c’est ça qui est génial. Les gens sont venus pour s’éclater, pour s’amuser. Franchement, quand je marque le premier but contre les Argentins, je sentais franchement que plus rien ne pouvait nous arriver. Et derrière, on prend le but et j’ai dit aux gars, mais pas de problème, ne vous inquiétez pas, il y a le temps. On a tout, on s’est mis vite fait, on a échangé. On était tous d’accord, plus rien ne pouvait nous arriver. On avait pris un but, mais c’était un but casquette un peu, entre parenthèse. Et je ne sais pas, on était chez nous, on était… le public vivait. Je ne sais pas, c’était un moment magique. C’est pour ça, peut-être à la fin, le pénalty, tout le monde m’a dit “Ouais, mais tu n’étais pas stressé de tirer ce dernier pénalty ?” Non, non, non. Parce que comme je disais tout à l’heure, au pire, ça aurait pu continuer, et au mieux, on gagnait. Et en plus, j’ai fait l’un des meilleurs tournois de ma vie. Je savais que j’étais un peu au-dessus du nuage. Plus rien ne pouvait arriver.

 

C’est quoi la suite pour vous ?

 

Ça dépend du challenge. Ça dépend de ce qu’on repropose avec l’équipe de France aussi. Je sais qu’en club, toujours participation avec le club. Parce que d’être avec des copains, ça fait toujours plaisir. Au niveau de la sélection, pour l’instant, on devait avoir un stage début décembre. Il risque d’être reporté mais en tout cas, je ne peux pas y aller parce que je suis sur de la boccia, parce que j’encadre la boccia. Donc, je ne peux pas y aller au prochain stage. On devait en parler sur ce stage, de voir un peu les objectifs de chacun, de voir ce que le sélectionneur souhaite faire, souhaite mettre en place. Donc voilà, c’est en discussion. Mais moi, dans l’idée, je crois que le corps… il me dit stop, mais bon, il devrait y avoir le championnat d’Europe en France, 2026, donc ouais, s’il y a le championnat d’Europe en France, je pense que ça peut être cool, voilà, de revivre des moments avec le public, de les remercier aussi, de vivre des moments, voilà, comme on a vécu aux Jeux. Dans une carrière, c’est peu, surtout au Cécifoot, ça a été peu de fois, donc voilà, si on peut refaire encore un peu ça, même si c’est 2 000, 5 000 personnes, ça peut être génial de revivre des moments comme ça. L’envie y est mais est-ce que le corps va suivre et la tête ? On dit souvent qu’il y a le corps, mais il y a la tête surtout. Donc voilà, à voir les projets. Mais ouais Los Angeles par contre, c’est loin. Beaucoup de personnes nous demandent, mais il y a un championnat d’Europe qui est qualificatif pour les Mondiaux. Après les Mondiaux, si tu finis dans les trois premiers, tu peux être qualifié pour LA. Donc ouais. Mais est-ce que tu feras partie des trois qui seront… les trois premiers à la Coupe du Monde, ça c’est peut-être autre chose. Maintenant, on va être attendu, donc on ne pourra plus arriver comme ça.

 

Elle ne sera pas en France, la Coupe du Monde ?

 

Non, non, ça serait bien. Non, et après, il y a un autre championnat d’Europe aussi qui sera qualificatif pour LA. Donc voilà, il y a trois compètes où il faut taffer pour faire des résultats. Et le dernier, c’est surtout le dernier qu’il ne faut pas manquer pour aller à LA. Mais voilà, en tout cas. Je pense que l’équipe de France sur les championnats d’Europe va continuer à faire partie des plus forts. Après, c’est le plus dur c’est ce que je disais on est amateur. Est-ce que maintenant d’avoir fait une médaille, est-ce que ça va faire évoluer le cécifoot en France ? Si on est positif, oui. Mais si on a un peu d’expérience et un peu de bouteille, je vais dire que non. Parce qu’en 2012, c’est ce qu’on nous a dit. Et en fin de compte ça a guère évolué, voire ça a été pire. Donc voilà, il faut savoir bonifier cette médaille et pas l’enterrer. On parle d’histoire, on parle de tout ce qui va se passer après les Jeux, et je pense que voilà c’est les équipes, et pour nous, le cécifoot, c’est savoir utiliser cette médaille à bon escient. Et voilà, c’est une discipline qui mérite encore d’être… Je parlais du ballon d’or, mais pour moi, on doit être à la Fédération de foot. Certes, peut-être sous la coupelle ou sous une garde alternée entre la Fédération handisport et la fédération de foot. Je pense que tout ce qui est FFH ils ont la connaissance du handicap et la fédération de foot, a la connaissance du foot. Je pense que ça ne peut être que positif qu’on y soit. Je pense que c’est la prochaine étape pour le cécifoot, en tout cas en France, et même dans le monde, je pense que les fédérations de chaque pays, de chaque continent, ça doit être un projet UEFA, un projet FIFA, on doit être dans la famille du foot. Pourquoi l’athlétisme, pourquoi le judo, pourquoi le triathlon sont dans leur fédé, et pourquoi pas le foot ? Pour moi le foot doit faire partie de sa discipline de famille et je pense que le ballon d’or a commencé à répondre un peu à cette grande question qu’est-ce qu’on fait du cécifoot en France? Donc voilà je pense que ça va être la prochaine bataille à faire et après la prochaine grande bataille mais qui va être je pense pour tout sportif paralympique, c’est de permettre l’inclusion des personnes en situation de handicap dans la cité. Certes, nous, on est médaillés ou non médaillés, on a été des sportifs, on a été aux Jeux, mais je pense qu’on a le devoir de taper un peu sur la table en disant qu’en fin compte des citoyens que les autres, mais qu’il faut que nous on s’adapte et que la société s’adapte aussi un peu à nous. Je pense que c’est gagnant-gagnant. Ce n’est pas que la société qui doit s’adapter à nous, c’est les deux. Et je pense que ça part aussi de tout en haut. Donc voilà, il y a plein de projets à mettre en place. Moi, je sais qu’étant éducateurs sportif, quand je vois que les enfants en situation de handicap sont éloignés des cours d’EPS, je ne peux pas entendre ça. Certes, il y a des raisons, mais je pense qu’il y a des raisons qui sont… certaines sont bonnes, quand on me dit que l’enfant il faut qu’il aille sur ses rééducations lors des séances de sport, parce que le sport c’est une seconde matière, une troisième matière. Ouais mais ça peut amener des valeurs quand même le sport, c’est de la confiance en soi, c’est le lien social, c’est là où tu échanges avec tes collègues de classe. Donc je pense qu’on doit tous avoir le droit de pratiquer du sport, en tout cas à l’école. Je pense que ça va être l’une de mes grandes batailles. Je pense que je vais essayer d’amener pas mal de monde dans mon sillon, des coéquipiers et je pense que, comme je l’ai dit tout à l’heure, chacun a un devoir, quand on est en situation de handicap, de promouvoir l’inclusion.

 

C’est une belle mission en tout cas.

 

On est mis un peu plus en lumière que certains mais il y a peut-être des paroles qui sont, si j’étais allé avant les Jeux taper au ministère et dire voilà je comprends pas pourquoi il y a des enfants qui sont hors sport pendant les cours, bah ils vont me dire oui c’est bien monsieur mais la porte elle est par là. Peut-être que là avec la médaille la porte va peut-être s’entrouvrir, pas forcément s’ouvrir mais on va peut-être voir le bout de mon nez mais voilà c’est déjà je pourrais peut-être mettre le pied pour empêcher que la porte se ferme et voilà. Faut pas que je sois seul je sais que déjà je suis pas seul il y en a déjà avant qui le font, Jérémiasz il le fait aussi, il y en a plein. Je pense que le sport, grâce au sport, je pense qu’on a des valeurs à aller un peu taper sur la table au niveau des ministères et au niveau de l’État. Donc voilà, je pense qu’il faut le faire et de toute façon c’est un devoir. Moi je le prends comme ça. Après peut-être, je pense qu’on est plusieurs à le faire et voilà, il faut, c’est à plusieurs qu’on arrivera à faire les choses. Si on est chacun à essayer de tirer la couverture à soi et d’aller faire chacun nos projets, je pense que ça va être plus dur. Voir limite ce ne sera pas faisable mais si on s’unit tous ensemble et qu’on tire tous dans le même sens je pense qu’on va faire des choses après certes c’est sûr ça va mettre des années. C’est peut-être nos enfants ou nos petits-enfants qui auront l’héritage mais voilà au moins on pourra dire en tout cas j’ai tout essayé et voilà il ne faut pas avoir de regrets.  C’est comme dans le sport il faut tout donner et après si ça marche, ça marche, et si ça marche pas ça marche pas. En tout cas on va essayer de tout mettre en place.

Trop bien.


Comme vous comme vous pour votre projet. En tout cas, c’est génial. Comme je disais à beaucoup de médias c’est aussi un travail de tout le monde. Nous, on a fait le résultat sur le terrain. Vous, derrière, vous avez envie de mettre les médaillés en lumière aussi, de parler, de dire qu’en fin de compte, s’il y a des chemins de vie qui ont été différents pour certains, il y en a qui sont olympiques, il y en a qui ne sont pas olympiques. Mais c’est le même chemin en tout cas. Peut-être qu’il y a eu des embûches, mais voilà, en tout cas, que tu sois olympique ou paralympique, en tout cas, pour moi, c’est pareil. C’est sur la médaille juste que c’est différent, mais autrement moi, souvent, j’utilise le mot olympique. Je suis champion olympique. Je ne vais pas dire que je suis champion parlympique. Quand j’ai des amis ou que je parle dans des écoles, c’est là où il faut essayer peut-être de casser les barrières.

 

J’avais une dernière question et après, si ça vous va, on va écrire votre nom. J’imagine que vous avez revu et surtout réécouté la finale. Moi, j’ai trouvé que les commentateurs avaient transmis une émotion folle, notamment à la fin. C’est que vous aviez l’air de bien vous connaître.

 

Ouais il y a Sébastien Munos qui était un des journalistes, mais lui qui était en apport de Arnaud, parce qu’Arnaud c’était plutôt le commentateur, et Sébastien lui qui a mené tout ce qui était plutôt technique. Donc avec Sébastien, on a fait les Jeux de 2004, je pense que ce qui l’a touché c’est la concrétisation du travail fourni. Ça fait 20 ans que en fait compte on se donne tous les jours les moyens de réussir, on était pas professionnels et donc voilà cette fois-ci toutes les planètes se sont alignées. On a le remerciement des planètes et donc ça a permis à tout le monde d’être mis en lumière, je pense que lui aussi il était content, il a pratiqué le Cécifoot, il a vécu des émotions lors des Jeux Olympiques à Athènes qui étaient les premiers pour le Cécifoot. Et de se dire que 20 ans après ton équipe est championne paralympique, c’est génial. Championne paralympique, il n’y a que le Brésil et la France. Les autres sont médaillés d’argent et médaillés de bronze. Mais voilà, on n’est que deux pour l’instant sur, ça fait cinq, c’est la cinquième, je crois, cinquième Olympiade depuis 2004. Et on fait partie des deux sélections. Et c’est ça qui est beau. Et en plus chez soi, que demander de mieux!

 

Ah c’est magnifique. Surtout au pied de la tour Eiffel comme ça là !

 

Et la tour Eiffel ! C’est le summum !

 

On va écrire votre nom et celui de vos coéquipiers ?

 

Ouais ! Khalifa Youme, il y a Arezki,

 

Hakim.

 

Et après il y a Tidiane Diakité, Gaël Rivière, Martin Baron, Fabrice Morgado. Alors, on va commencer avec des noms plus compliqué. C’est pour ça que je les ai mis en derniers. Il y a Miguez avant. On va mettre

 

Mikael Miguez.

 

Alessandro Bartolomocci.

 

 Ouais je l’ai.

 

Et le plus long.

 

Ouais. Benoît, c’est ça.

 

Ouais, c’est ça. Vous avez ces deux noms ?

 

Ouais, j’ai les deux. Chevreau De Montlehu. Et il en manque un.

 

J’ai oublié personne et il reste que moi.

 

Frédéric Villeroux, le capitaine. Et ben voilà, vous êtes tous écrits. Ben écoutez, un grand merci.

 

Là, c’est pareil, c’est comme les médaillés, les histoires des médailles, là les staffs, c’est que les médailles?

 

Ouais, et ça c’est un truc qui m’attriste, parce que clairement, au vu de ce qu’on s’est dit tout à l’heure, et ce que j’ai partagé avec tous les autres athlètes, j’aurais aimé pouvoir inscrire les encadrants, mais impossible de trouver la liste. Effectivement, on en parlait tout à l’heure et je me disais qu’il y avait… Il faudrait que je… Ce sera peut-être pour un autre projet, mais… Réinventer un truc comme ça, que c’est… En fait, mon projet, c’est amateur, c’est rendre hommage à ces gens-là, mais en vrai, la graine des amateurs, c’est… Moi, je pense à tous ces bénévoles qui font tourner les clubs, qui tiennent la buvette, qui passent leur week-end dans les allers-retours à emmener les enfants pour un match contre une équipe où ils savent qu’ils vont se faire laver, qui est à deux heures de caisse. Moi, ça me fait penser à tous les coachs que j’ai pu avoir à chaque fois. Et j’aimerais bien inventer quelque chose pour eux. Donc pour l’instant, malheureusement, ce ne sera pas le cas. Mais j’inventerai un truc, je pense.

 

En tout cas, merci pour votre investissement, ça touche. C’est bien ça fait plaisir de voir qu’on est pas seuls derrière, qu’il y a toujours des gens qui mettent en lumière les exploits, qui montrent aussi que derrière nous, certes, nous, on est les médaillés, mais voilà il y a les bénévoles, il y a les responsables, il y a un staff. Donc, c’est cool de voir que derrière il y a des gens comme vous. C’est cool en tout cas.

 

Merci beaucoup, ça me touche. Je vous remercie pour votre écoute. J’espère que cette rencontre avec Frédéric Villeroux et le cécifoot vous a plu. J’ai personnellement beaucoup aimé, son explication de la difficulté d’aggraver son handicap en se plongeant dans le noir, pour ainsi atteindre son meilleur niveau. Son parcours et sa relation avec son coach, Toussaint Akpweh, m’a beaucoup touché. J’étais content de faire ce dernier épisode avec lui et qu’il soit pour cette saison la voix des médaillés paralympiques. Vous pouvez découvrir d’autres histoires de médaillés sur ce podcast et sur les réseaux sociaux. Si vous avez aimé cet épisode et si vous voulez soutenir le projet artistique *AMATEURS*, n’hésitez pas à vous abonner, à partager ce podcast à vos proches et aux amoureux du sport à laisser un commentaire et à mettre 5 étoiles sur les plateformes d’écoute Je vous remercie pour ce moment partagé ensemble, pour votre temps et je vous dis à bientôt.