1996 – Patrice Estanguet – Ramener le bronze, perdre contre son petit frère puis gagner ensemble l’or olympique – Canoë Slalom
Et pour cet épisode, j’ai eu la chance de rencontrer Patrice Estanguet. Pas qualifié à 3 semaines des Jeux il remporte la médaille de bronze aux Jeux Olympiques d’Atlanta en 1996, en canoë slalom. Il nous raconte dans cet épisode le sentiment donné par la victoire de la médaille de bronze comparé aux autres métaux, il nous explique son parcours amateur et la difficulté de se qualifier pour des épreuves olympiques où il n’y a qu’une ou deux places pour représenter son pays. Chez les Estanguet le canoë-kayak c’est une histoire de famille et de transmission. Il aborde son histoire de rivalité avec son frère cadet Tony Estanguet, qui prendra la seule place qualificative en 2000 pour les Jeux de Sydney et remportera 2 titres olympiques. Cette rivalité évoluera suite à une demande de Tony : que Patrice devienne son coach et qu’ensemble, ils aillent gagner la médaille d’or à Londres en 2012 pour rapporter son 3ème titre de champion olympique.
Patrice Estanguet :
Ce qui est particulier pour un athlète, c’est que je pense que maintenant les critères de sélection sont tellement exigeants, tellement difficiles d’avoir un seul représentant pour le pays, que vous savez quand même que tout ce parcours que vous avez effectué pour arriver au départ de la compétition, vous n’êtes pas du tout sûr de pouvoir le revivre. Il faudra repasser toutes ces étapes. Donc il y a une pression et une peur de l’échec qui est très importante en tant qu’athlète.
Baptiste Chebassier :
Bonjour à toutes et à tous, je suis Baptiste Chebassier et j’écris à la main les 30 249 noms des médaillés olympiques depuis 1896. Cette grande fresque fera une fois terminée 130 mètres de long et je rajouterai pendant les Jeux de Paris 2024 les noms des nouveaux médaillés olympiques. Et pour la première fois, j’ajouterai aussi ceux des médaillés paralympiques dont la base de données n’existe malheureusement pas. Je souhaite rendre hommage à travers ce projet artistique à tous ces athlètes qui s’engagent et donnent tout ce qu’ils ont pour vivre l’aventure des Jeux. Ils consacrent ce qu’ils ont pour moi de plus précieux, leur temps. J’ai longtemps écrit le nom de personnes décédées, et une fois le nom du premier médaillé encore en vie inscrit, j’ai eu envie de partager ce moment d’écriture avec les vivants. Vous écoutez le podcast Amateurs, qui vous partage dans chaque épisode ma discussion avec un médaillé olympique que je rencontre chez lui, ou par téléphone, pour écrire son nom en sa présence, et qui me raconte son histoire, celle de sa médaille, et celle de son sport. Je découvre que ces médaillés ont tous un point commun avec vous, auditeurs. L’amour, du sport, sont donc comme vous, des amateurs.
Et pour cet épisode, j’ai eu la chance de rencontrer Patrice Estanguet, médaillé de bronze aux Jeux Olympiques d’Atlanta en 1996 en Canoë Slalom. Il nous raconte dans cet épisode le sentiment donné par la victoire de la médaille de bronze comparée aux autres couleurs. Il nous explique son parcours et la difficulté de se qualifier pour des épreuves où il n’y a qu’une ou deux places pour représenter son pays. Enfin, il aborde son histoire de rivalité avec son frère cadet, Tony Estanguet, qui prendra la seule place qualificative en 2000 et remportera deux titres olympiques. Cette rivalité évoluera suite à une demande de Tony, que Patrice devienne son coach et qu’ensemble, ils aillent gagner la médaille d’or aux Jeux Olympiques de Londres en 2012. Ça vous va, on peut commencer, peut-être que vous pouvez vous présenter ?
Je m’appelle Patrice Estanguet, je suis médaillé de bronze aux Jeux Olympiques à Atlanta en 1987, en canoë slalom exactement, c’est ma discipline. C’est une activité que j’ai pratiquée très jeune puisque je l’ai pratiquée dans un environnement familial, donc ça a bercé un peu toute ma jeunesse. Et puis ça a continué, sans que ce soit forcément prévu aux Jeux olympiques. Et puis c’est une médaille qui est vraiment très partagée par une culture familiale. Je pense que c’est le premier mot qui ressort quand on me demande à quoi peut faire référence ma médaille.
OK, donc vous avez commencé en famille, c’est comme ça que vous vous êtes mis au kayak ?
Notre père faisait du kayak à haut niveau dans les années 70. Ce n’était pas la même discipline. Et à ce moment-là, le canoë kayak, dans sa pratique en eau vive, puisque c’est ce qui nous concerne, n’était pas olympique à ce moment-là. Il a été quand même aux Jeux de 72 à Munich, mais c’était la seule fois. Et ensuite, il est revenu à partir de 1992 à Barcelone. Donc mon père lui pratiquait de la descente de rivière, qui est une discipline un petit peu différente. Mais ce qui fait que quand il s’entraînait, un peu quand on a grandi, à partir de 5-6 ans, il nous amenait sur la rivière et on faisait pratiquer avec lui quand il avait fini ses entraînements. Et forcément, on sait que l’identification à ses parents est importante souvent dans les pratiques que l’on peut avoir. Et ça n’a pas échappé à la famille Estanguet.
Et oui, j’ai vu que ça continuait?
Et ça continue effectivement. La génération d’après est aussi très investie, notamment le fils de mon frère Tony, qui est plutôt en réussite, qui va participer aux championnats du monde junior dans quelques jours. Et mon fils également, qui était champion de France en catégorie junior, qui maintenant est chez les seniors, il a 19 ans et donc voilà, qui pratiquent intensément l’activité en effet.
Et qu’est-ce qui fait qu’en tant qu’enfant, on a envie de faire du canoë et kayak plutôt qu’un autre sport ? C’est quoi la particularité ?
Nous concernant, je vous avouerais que c’est vraiment la filiation parentale qui nous a vraiment porté fortement, on a fait énormément de ski de fond, parce que mon père pratiquait beaucoup de sports de plein air, enfin un peu tous les sports de plein air, il a fait du parapente, il a fait plein de choses, mais ce qu’il a pratiqué à haut niveau c’est le kayak et le ski de fond, et dans nous on a pratiqué énormément ces activités-là, depuis très jeune, on a commencé les premières compétitions en ski de fond, on avait 5 ans à peu près. Et du coup nous, on a vraiment vécu dans la nature. On était vraiment au contact, soit de la montagne, soit l’été, on allait faire un peu de surf, etc. Mais ce que notre papa a vraiment adoré comme activité, c’était de se confronter à des éléments naturels. Et nous, on a grandi là-dedans. Donc, je pense que ça a été notre formation, on va dire. Ce n’était pas toujours facile parce que quand on est jeune comme ça, les éléments naturels ne sont pas toujours très tendres avec vous. Mais ça nous a forgé un caractère aussi qui fait qu’on a peut-être su à certains moments, je dis on parce que bien entendu j’associe un peu mon frère Tony, on a su aussi au départ des compétitions importantes, des fois relativiser l’enjeu d’une compétition en se disant que la priorité c’était de se retrouver en phase avec les vagues, les rochers, etc. Et de retrouver ce contact avec les éléments naturels pour essayer d’être le plus en phase possible et ça nous permettait, je pense, d’une certaine manière de prendre un peu de distance avec l’enjeu d’une très grande compétition qui peut être stressante. Donc je pense que cet apprentissage très jeune au contact des éléments naturels et on a pratiqué sur des rivières qui étaient très difficiles très tôt, parce que c’est là que s’entraînait notre père, donc il n’y avait pas trop le choix, il fallait que nous on y aille aussi, et bien c’est ce qui nous a forgé un caractère combatif.
Vous parliez des éléments naturels, mais en kayak slalom, ce n’est pas vraiment naturel ?
Maintenant, c’est moins naturel. C’est des rivières artificielles, en effet. Ça l’était un peu plus quand même au moment où je concourais, notamment la rivière qui avait été choisie par le comité d’organisation d’Atlanta. qui se déroulait dans la forêt des Cherokee dans le Tennessee. Donc ce n’est pas tout à fait attentat. C’était une rivière naturelle. Par contre, effectivement, maintenant, on n’est quasiment que sur des parcours artificiels. Mais ce n’est pas parce que c’est artificiel que ça n’est pas fluctuant. Finalement, on retrouve quand même des moments d’eau à peu près les mêmes que sur les rivières naturelles. C’est juste que le milieu est un peu plus sécurisé. Il y a moins de risques de se coincer ou d’avoir des soucis sur les réserves artificielles. On prend moins de risques et du coup, je pense qu’aujourd’hui, pour les organisateurs, c’est quand même plus évident d’engager des compétiteurs sur des réserves artificielles.
- Du coup, c’est un sport qui est dangereux ?
Non, il n’y a quasiment jamais d’accident en compétition, mais disons que c’est arrivé par le passé, effectivement, que des bateaux se coincent sur des rochers. Donc souvent, il y avait des équipes de sécurité qui intervenaient, etc. Mais maintenant, sur le réseau artificiel, c’est impossible parce qu’elles sont conçues de manière à ce qu’il n’y ait pas des rochers où on puisse venir se coincer. Donc forcément, on a enlevé tous les risques, en fait.
Est-ce que c’est que pour limiter les risques ou c’est aussi, entre guillemets, pour augmenter la performance ? C’est un peu pour augmenter la performance, parce qu’il faut reconnaître que sur les parcours naturels que j’ai pu connaître dans les années 90, il y avait des niveaux de difficultés qui étaient très hétérogènes, parce que des fois il y avait des rivières naturelles avec des courants qui étaient assez faciles, mais à l’opposé, on avait aussi des rivières naturelles comme celle de Bourg-Saint-Maurice dans les Alpes, en Haute-Savoie, qui étaient considérées comme le parcours le plus engagé du circuit international. Là, pour le coup, c’était dangereux. Il y avait un vrai danger. Il fallait gérer le stress de la compétition, mais aussi un peu l’engagement affectif des risques liés au fait que si vous retournez dans ce type de rivière et sans réussir à esquimoter, c’est-à-dire à se remettre à l’endroit rapidement, être à la nage dans des parcours comme ça, vous ressortez forcément avec des lésions, quoi. Les jambes tapent au fond, en fait, et comme l’eau va très vite, le parcours de Bourg Saint-Maurice, c’est très très pentu, c’est un vrai torrent de montagne. Et du coup, quand vous nagez, les jambes, elles prennent quand même mal, quoi. Mais ça, aujourd’hui, ça n’existe plus parce que les rivières artificielles ont un fond qui est lisse, c’est bétonné, et du coup, vous glissez comme dans un toboggan, donc il n’y a vraiment aucun danger, quoi.
J’imagine que vous êtes de Pau, est-ce que c’est un peu le sport national là-bas, le kayak ?
Oui, ça fait partie. Bon, on va dire que le sport national, on va quand même laisser ça au rugby. Cependant, le rugby, le basket aussi, il y a beaucoup d’espoirs qu’on met. Assez vite après, quand même, on voit le kayak effectivement pointer son nez parce qu’il y a une culture qui est importante et on a aussi le premier stade de ville d’envergure internationale qui a accueilli des grandes compétitions, dont les championnats du monde en 2017, à Pau, et donc ça a créé effectivement une attractivité importante. Aujourd’hui, quasiment toutes les équipes nationales du monde entier viennent s’entraîner à Pau à un moment donné de l’année pour se préparer.
Ah ouais, donc la création de l’infrastructure en fait vraiment un épicentre maintenant de la pratique quoi.
Oui, alors après c’est lié à plusieurs facteurs, ça reste un sport quand même qui a besoin de conditions météo à peu près correctes et c’est vrai qu’à Pau, étant donné qu’aujourd’hui le continent qui est vraiment leader dans l’activité, c’est le continent européen aujourd’hui, dans le sud de la France, on est quand même bien situé pour avoir des conditions plutôt bonnes quasiment toute l’année. Par rapport aux autres pays d’Europe, on est dans les meilleurs cas. C’est ce qu’il y a en fait vis-à-vis des équipes nationales européennes qui sont là en permanence pour, y compris l’hiver, et après les autres continents qui viennent aussi de temps en temps s’entraîner.
Et quand vous disiez les conditions météo favorables, vous pensez à quoi ?
Je pense que les conditions pour des athlètes de haut niveau qui ont l’habitude de s’entraîner et qui supportent quand même assez facilement des conditions un peu rudes, on va dire que c’est quand même préférable d’avoir au dessus de 10 degrés de température pour pouvoir s’entraîner correctement et ça on l’a quasiment tout le temps à Pau, on l’a quasiment toute l’année.
Ok, et 8°C c’est la température dehors ou la température de l’eau ?
Dehors.
Ah dehors, ok.
10°C à peu près. Au-dessus de 10°C, c’est les bonnes conditions d’entraînement en fait. Quand il fait plus froid, jusqu’à 5°C, on arrive encore à tenir, mais en dessous de 5°C, vous avez les mains qui sont vraiment congelées. Et du coup, vous avez plus de mal à tenir la pagaie, à vous entraîner dans de bonnes conditions. Donc c’est pour ça que je pense que Pau est un endroit quand même assez favorable si on regarde par rapport à l’ensemble du continent européen. On a ces conditions-là quasiment tous les jours de l’année, une température à au moins 10 degrés à un moment de la journée on va dire, plutôt l’après-midi, et du coup ça attire tous les pays de l’Est, enfin un peu tous les pays. C’est vrai que si on compare avec l’Allemagne par exemple, les Allemands ils vont avoir de conditions un peu plus froides l’hiver. Donc forcément, ils vont venir à Pau s’entraîner.
Et je me demandais si en kayak, on développait un rapport comme en voile ou avec son bateau où il a un petit nom. Est-ce qu’on a ce rapport affectif avec son matériel ?
Alors, on ne donne pas de nom au bateau. Par contre, ce qui est sûr, c’est que les calages qui sont dans le bateau sont des calages vraiment sur mesure qui sont souvent moulés à la forme des jambes, etc. Donc c’est vraiment souvent, quand on donne une image, c’est vraiment le prolongement du pagayeur, le bateau. Faut faire corps avec son bateau pour pouvoir avoir le niveau de précision dans les trajectoires. C’est vrai qu’on n’en voit pas très souvent à la télé, mais cet été, quand vous aurez l’occasion de voir les images aux Jeux Olympiques, vous verrez que la précision elle est à quelques centimètres, s’il passait à 2-3 centimètres près par rapport au piqué. Et ça, ça ne peut être fait qu’avec un kayakeur qui est solidaire avec son kayak. Donc il y a quand même un ressenti très très fin et très fort avec son embarcation.
Il y a vraiment cette notion de faire corps avec son bateau.
Voilà. Mais après, on ne va pas jusqu’au point de leur donner des noms.
Et comment ça s’est passé, les Jeux d’Atlanta ?
Les Jeux d’Atlanta, c’était un moment particulier. Déjà, il faut savoir que même si cette année-là, j’étais leader du classement mondial, internationale, aux sélections françaises en fait je n’ai terminé que troisième et il y avait deux sélectionnés. Donc moi, je n’ai pas été sélectionné tout de suite. En fait, j’ai été sélectionné trois semaines avant les JO. Suite au… Alors il y avait une petite anecdote qui passait dans les médias, comme quoi j’avais été repêché, ce qui était naturel pour un kayakiste. Voilà. Et donc, en fait, moi, j’ai été justement repêché parce qu’il y a trois nations qui n’ont pas envoyé leurs athlètes. Donc s’il y avait trois nations qui n’envoyaient pas leurs athlètes au jeu parce qu’ils ne les considéraient pas à un niveau suffisant, ça ouvrait une place supplémentaire pour la nation qui était leader dans le classement mondial. Et comme c’était la France, j’ai pu accéder à la course. Voilà. Et puis après, j’ai fait troisième sur l’épreuve, derrière un dénommé Michal Martikán, un Slovaque, qui était donc une révélation puisqu’il avait seulement 16 ans, et puis le second, le médaille d’argent, qui était champion olympique quatre ans avant, donc un Tchèque, Lukáš Pollert. C’était une course très intense, avec des temps extrêmement serrés entre nous, on était tous les trois dans la même seconde. Et un temps d’effort qui était quand même beaucoup plus long que ce qu’on connaît actuellement, donc avec normalement des écarts un peu plus importants. En gros, on était proche des 3 minutes, alors que maintenant une compétition ça se concourt en 1 minute 30. Le temps a été divisé par deux, donc forcément si on compare avec de l’athlétisme, aujourd’hui c’est comme si on courait des 800 mètres. alors que nous, on était plutôt sur du 1500, voire presque du 2000 mètres.
Et vous finissez tous les trois dans la même seconde ?
Oui, c’était très très serré, avec des profils un peu différents, mais des écarts qui se jouaient à quelques dizaines entre nous. Une des particularités, c’est que la veille de ma compétition, il y a eu un attentat à Atlanta, du coup, Le début des courses, pour nous, s’est fait sans spectateurs, parce que les spectateurs n’ont pas été autorisés à rentrer dans l’enceinte tout de suite, au bord de la rivière. Et bon, moi, comme je passais quand même dans les derniers moments, quand je suis passé les spectateurs étaient à peu près tous là, et c’est vrai que c’était impressionnant, parce que moi, je ne les avais pas forcément vus avant mon départ, parce que j’étais dans la zone d’échauffement qui était un petit peu plus en amont. Et c’est vrai que quand je suis passé, ça m’a fait bizarre parce qu’il y avait pas loin de 20 000 spectateurs. Et du coup, l’enthousiasme des Américains a fait que pour la première fois de ma vie, je pense que je n’entendais plus le bruit de l’eau, le bruit des mouvements d’eau, ce qui était quand même particulier, j’avoue. Donc je me rappelle bien de cette sensation-là qui était… que j’avais jamais ressenti avant. Les encouragements étaient tellement forts que je n’entendais plus du tout le bruit de la rivière.
Ah ouais, excellent.
Donc c’était un moment particulier.
Donc si je résume, vous êtes premier mondial, vous n’êtes pas qualifié pour les Jeux. À trois semaines des Jeux, finalement, vous vous qualifiez et vous finissez troisième dans la même seconde. Est-ce que du coup, on est content d’arriver à décrocher cette médaille ou on est un peu dégoûté parce qu’à quelques dixièmes, on avait l’or ?
Alors… L’histoire des Jeux dit que, en général, le champion olympique, il vit toujours le scénario de manière très positive, parce qu’il gagne à la fin. Le plus frustré des trois, en général, c’est le médaillé d’argent, parce que c’est celui qui est passé le plus près du titre. Le médaillé de bronze, ce qui était mon cas. En général, il a quand même la satisfaction de ne pas avoir basculé à la quatrième place, qui est quand même celle qui vous laisse au pied du podium. C’est vrai que c’est quand même une réalité. Moi, quand je suis arrivé, à l’arrivée de ma course, je suis en tête et puis après, ils sont passés devant moi. Le premier qui est passé devant moi, c’était Pollert, le tchèque. C’est vrai qu’à ce moment-là, il y a un peu de frustration. Et ensuite, il y a le Slovak qui passe encore devant après vous retenez un peu votre respiration en espérant qu’il n’y ait pas un autre qui passe devant, sinon après c’est terminé quoi. Vous n’êtes plus sur le podium. Donc moi je l’ai quand même bien vécu parce que content d’être sur le podium, après il y a toujours des petites frustrations à l’analyse parce qu’on se dit qu’on aurait pu, quelques dixièmes on les trouve facilement pour se dire qu’on aurait pu les gagner ceux-là, mais c’est possiblement la même chose pour mes adversaires donc en réalité il faut le relativiser. Par contre, ce qui est sûr, c’est que le titre de Martikán, le Slovaque, a été aussi le début d’une autre histoire, de la suite en fait, puisque malheureusement pour moi, les Jeux d’Atlanta seront les seuls que je vais vivre en tant qu’athlète, puisque quatre ans après, même si en tant que médaillé à 23 ans à Atlanta, je peux légitimement espérer défendre bien mes chances à signer en 2000. Et pour 2000, il a fallu rebatailler pour les sélections françaises. Alors j’avais acquis quand même par mal d’expérience, j’avais gagné des compétitions importantes entre 96 et 2000, donc j’arrivais aux sélections en 2000 avec un statut de leader au niveau mondial. Mais il fallait repasser par la case sélection. Et là, aux sélections, je me suis retrouvé face à un petit jeune, en l’occurrence mon frère, Tony, qui avait donc un peu plus de 5 ans de moins que moi. Et donc là, c’est lui qui est passé aux sélections. Et cette année-là, il n’y avait qu’une place. Donc je n’ai pas eu l’opportunité de pouvoir reprendre le départ au JO. Il a fallu laisser la place à son petit frère. Et donc Tony, il s’est retrouvé face à ce fameux Martikán qui a aussi beaucoup progressé aujourd’hui et qui a été mon principal rival pendant les années 96 à 2000. Ça a été un moment aussi particulier de l’histoire, enfin de mon histoire de sportif, puisque je me suis retrouvé face à mon frère. Ça n’a pas été très facile à vivre, mais on s’est toujours relativement bien entendu avec Tony. Même si à ce moment-là, on va dire les quelques mois qui ont précédé ces sélections, on ne s’entraînait pas ensemble, on allait en fait chacun son entraînement puisqu’on était en concurrence directe. Et voilà, Tony qui n’avait pas de palmarès particulier, il avait déjà fait quand même un podium sur une manche de coupe du monde quelques années avant, mais globalement il n’avait pas forcément trop bien réussi ses saisons internationales. Mais je pense que ces sélections ont été un déclic pour lui. Alors il le dit souvent dans ses interviews que ça a été un déclic pour lui mentalement parce qu’à partir du moment où il a réussi à me battre, il s’est dit qu’il pouvait prétendre à des bons résultats. Et c’est vrai que ça a été un nouveau départ pour lui puisque quelques semaines après ses sélections, il est champion d’Europe. 15 jours, je crois, après les sélections. Il a remporté plusieurs manches de coupe du monde. Et puis, deux mois après, il est champion olympique à Sydney.
Ah ouais.
Voilà, juste devant Martikán, qui est deuxième. Et là, ça a été le début de leur confrontation, qui a duré après une dizaine d’années, puisqu’ils se sont retrouvés encore face à face à Londres en 2012. Voilà, donc pendant plusieurs années. Alors moi, j’ai continué ma carrière jusqu’en 2004. Mais aux Jeux d’Athènes, il n’y avait qu’une place aussi, et donc c’est légitimement Tony qui l’a obtenue, et qui est de nouveau champion olympique une deuxième fois, juste devant Martikán. Ensuite, moi j’ai pris un peu de distance, j’ai appris mon métier d’enseignant parce que j’étais détaché jusque-là, et donc à partir de 2004, j’ai retrouvé l’éducation nationale, et là je suis deveny enseignant et puis ensuite, Tony, en 2008, il arrive quand même en tant que favori aux Jeux de Pékin, porte-drapeau de la délégation française. Sauf que, bon, les entraînements se passaient pas comme il voulait sur le site de Pékin. Les six derniers mois ont été difficiles pour lui, parce que vraiment, il n’arrivait pas à bien s’exprimer sur le parcours qui avait été conçu par les Chinois. Et là, il passe complètement à côté. Il n’est même pas en finale. Il n’est pas dans les 8 premiers, donc il ne concourt pas la finale. Et puis, à l’issue, quelques semaines après ces Jeux Olympiques de Pékin, je me souviens, il est venu me voir chez moi et m’a demandé si j’accepterais de devenir son entraîneur pour préparer les Jeux de Londres. Du coup, j’ai revécu l’expérience olympique, non pas en tant qu’athlète, mais en tant qu’entraîneur de Tony pour les Jeux de Londres. Donc on a fait quatre ans ensemble en tant qu’entraîneur et athlète et ça s’est bien passé. Au début, c’était un peu difficile de trouver mes marques puisque ce n’est pas un métier que j’avais exercé trop avant. Mais par contre, je connaissais bien Tony, je connaissais bien ses caractéristiques. On a réussi quand même à bien collaborer. Et du coup, au cours de l’Olympiade, Tony a gagné deux titres de champion du monde et il termine champion olympique à Londres. C’était une belle fin de carrière pour lui et une belle expérience pour moi pour revenir vivre les Jeux Olympiques.
C’est magnifique comme histoire. Ça m’a fait penser à plein de choses.
Oui, c’est sympa parce qu’on a quand même été plus jeune, on a été quand même en concurrence directe pour la même chose. On voulait la même chose, on voulait la même place. Ça n’a pas été facile à gérer, On n’a jamais eu de conflit, vraiment, mais on avait quand même cette frustration de devoir s’affronter directement. Et puis, les dernières années, par contre, là, pour le coup, on était vraiment sur un projet commun. C’est lui qui m’a proposé. Il aurait pu… Je pense qu’il y avait d’autres entraîneurs disponibles. Je pense que lui, il avait peut-être envie qu’on arrive à vivre ça ensemble et du coup… Voilà, ça finit plutôt très bien.
Magnifique. Cette conclusion par un titre olympique à deux, elle est belle. Là-dessus, ça me fait penser que si on regarde la Coupe du monde de foot, on va dire que Didier Deschamps, il est champion du monde en 2018. Mais aux Jeux olympiques, on parle très peu finalement des coachs. Ils n’ont pas de médaille, ils sont un peu dans l’ombre. Comment on le vit par rapport à une médaille de bronze en tant que participant, une médaille d’or en coach ? C’est quoi les différences ?
C’est… C’est différent. Le stress n’est pas tout à fait le même quand même. Je pense que quand on est athlète, la remise en question est très profonde, tout simplement parce que les Jeux Olympiques, c’est tous les quatre ans, donc on a la conscience de ça. Et puis, même si vous ne l’avez pas naturellement, le cadre autour vous le rappelle, parce que pour une fédération, c’est très important, les Jeux Olympiques. Donc vous avez autour de vous des personnes qui sont là, président de la fédération, des clubs, etc. Ce que vous ne voyez pas toujours sur toutes les compétitions, donc s’ils sont là, c’est qu’il y a un enjeu qui est particulier. Et en plus, vous ne voyez qu’eux, parce que maintenant, il y a quand même très peu de personnes accréditées parce que le comité d’organisation n’a pas les moyens d’accréditer plus que ce qu’il a prévu. Je ne sais plus exactement le nombre de personnes, mais en gros, vous avez autour de vous des personnes qui sont très directement impliquées dans l’enjeu de vos résultats. Du coup, les Jeux Olympiques, c’est une pression forte. Alors, en tant qu’entraîneur, vous l’avez aussi, puisque vous participez à cette équipe, vous le ressentez aussi. Mais ce qui est particulier pour un athlète, c’est que je pense que maintenant, les critères de sélection sont tellement exigeants, tellement difficiles d’avoir un seul représentant pour le pays que vous savez quand même que tout ce parcours que vous avez effectué pour arriver au départ de la compétition, vous n’êtes pas du tout sûr de pouvoir le revivre. Parce qu’il faudra repasser toutes ces étapes, les années futures, etc. Donc il y a une pression et une peur de l’échec qui est très importante en tant qu’athlète. En tant qu’entraîneur, je pense que c’est un peu moins marqué quand même. En tout cas, pour moi, c’était moins d’argent de ce côté-là. J’aurais aimé qu’il y en ait un peu plus, mais par contre, c’est vrai que, quand Tony est passé en 2012 dans son parcours, j’avais l’impression de naviguer avec lui, parce qu’il y a plusieurs personnes qui m’observaient quand j’étais sur le bord en train de suivre et qui voyaient que je faisais les mêmes mouvements que lui. Donc j’étais complètement en synergie avec lui et j’ai vécu ça de manière très intense et c’est vrai que c’est très sympa d’avoir pu vivre une victoire que je n’ai pas pu avoir en 1996, que je n’ai pas pu revivre après et que j’ai pu côtoyer de très près en 2012 parce que pour le coup, en étant son entraîneur, j’étais au plus près des choix tactiques, de l’engagement physique qu’il devait exploiter pour réussir. Donc j’ai quand même vécu tout ça de près et c’est vrai que ça a été une chance extraordinaire.
C’est magnifique comme histoire. Ça me fait penser un peu aux… Je sais pas pourquoi, mais aux frères Lebrun. Je sais pas si vous voyez, les joueurs de ping-pong, qui ont un peu cette chance, presque, par rapport à vous et Tony, mais que vous avez su recréer après, de pouvoir jouer en double de temps en temps. Donc j’imagine que ça doit atténuer aussi les liens de rivalité qu’il y a quand on s’affronte.
Après, je pense que c’est… C’est pas facile pour eux non plus, parce que pour suivre un peu bon, j’ai compris que Félix le plus jeune, il est déjà sélectionné. Alexis, je crois que c’est en cours de réalisation en fonction des résultats qui vont arriver ces prochains jours. Mais effectivement, ce n’est pas évident parce que les résultats de l’un peuvent éventuellement impacter un peu les émotions de l’autre. Et comme vous dites, ils ont quand même cette chance effectivement de pouvoir occasionnellement être ensemble sur un match en double. Alors je crois qu’à Paris, là, ils ne pourront pas, parce que je crois que le double masculin n’est pas présent. Mais je crois que c’est uniquement le double mixte et l’épreuve par équipe après. Dans l’épreuve par équipe là, pour le coup, ils peuvent vraiment essayer d’aller chercher un titre ensemble, ou en tout cas un résultat.
Il n’y a pas de double masculin ?
Alors, je ne suis pas sûr de moi, de ce que j’avais compris quand même. Parce que ça tourne, en fait, les épreuves. Il peut y avoir, à certaines éditions olympiques, il peut y avoir les doubles masculines. Mais là, je crois que c’est les vidéos mixtes qui seront présentes sur cette édition-là.
J’avais trouvé que l’image de la finale de la Coupe de France, où le grand frère saute sur la table, c’était un moment d’émotion hyper fort. Et je trouve que les histoires des sportifs, c’est des histoires de vie plus, et que n’importe qui peut s’identifier à une bataille avec son grand frère, sa grande sœur, cette bataille un peu inter fraterie, que ce soit pour être le meilleur agent immobilier ou pour n’importe quoi, quoi. C’était hyper fort. Donc vous, je pense que c’est un peu la même chose, quoi.
C’est sûr qu’on s’identifie facilement parce que de toute façon, quand on a des frateries, enfin quand on a des frères et sœurs, on grandit ensemble et on passe par toutes les émotions. Il y a des moments où on se sent soutenu et on est très heureux d’avoir un grand frère ou une petite sœur ou autre pour partager des moments avec. Et puis il y a des moments, on préférerait qu’ils ne soient pas là parce que ça ne se passe pas forcément comme on voudrait et il faut vivre avec ça. Et là, en compétition, c’est un peu pareil. Il y avait des moments vous passez par toutes les émotions, mais ce qui est sûr, c’est que quand on a l’opportunité de partager des choses positives et fortes, ça renforce un lien. Et souvent, ça reste longtemps. Je pense qu’avec Tony, on va s’en souvenir jusqu’à la fin.
Ça a dû être dur pour vos parents et votre famille, cette rivalité aussi.
Oui, je pense que ce n’était pas facile. Ce n’était pas facile, effectivement, en 2000, mes parents restaient un peu à distance. Ils ne savaient pas trop comment, s’il fallait qu’ils soient présents sur le site ou pas. Enfin, ils étaient mal à l’aise, quoi. Mal à l’aise avec la situation. Mais bon, après, moi, après, je pense que je suis quelqu’un qui a toujours pas trop mal vécu les défaites, quand même. Je n’ai jamais sombré moralement après une défaite. Et je pense d’ailleurs que c’est un trait de caractère qui fait que je n’ai pas eu le palmarès de Tony, parce que je pense que Tony, les défaites, il les vit moins bien. Et j’ai écouté récemment une interview de Teddy Riner qui dit que lui, il ne supporte pas les défaites. Pour lui, c’est insupportable et ça le met dans des états pas croyables. Et je pense que Tony est un petit peu pareil. Et à mon avis, c’est quand même un trait de caractère des grands champions dans leur discipline. C’est ceux qui, ils ont souvent ce trait de caractère qui consiste à ne pas vouloir imaginer la défaite et à mettre tous les moyens possibles pour gagner parce que pour eux l’échec est insupportable. Mais moi je pense que je ne suis pas comme ça. C’est-à-dire que quand je passais à côté d’une compétition, je relativisais assez facilement. Je pense que ça a pu aussi, à certains moments, limiter mes résultats.
Ok. Et du coup, vous êtes coach maintenant ?
Alors, l’an dernier, j’étais entraîneur pour un athlète qui s’appelle Denis Gargaud, qui était champion olympique en 2016. Donc, il va arriver bientôt dans la fresque.
Ouais.
Par contre, il n’a pas été sélectionné par la Fédération. Donc, du coup, ma mission s’est interrompue à la fin de l’année 2023. Et là, ces derniers mois, j’ai été sollicité, je travaille avec une athlète ukrainienne, qui a un contexte un peu particulier, parce qu’elle ne peut plus vraiment s’entraîner dans son pays. Elle est venue s’installer à Pau pour s’entraîner, pour préparer les Jeux. Ces derniers mois, j’ai travaillé avec elle. Je serai peut-être à ses coté aux Jeux, je ne sais pas encore, en fonction du nombre d’accréditations possibles. Je travaille quand même un peu avec des athlètes encore, effectivement, qui préparent les Jeux olympiques.
Ok. Elle a une chance de médaille ?
Elle est dans le top 10 mondial. Elle fait partie des prétendantes pour une médaille, mais elle n’est pas favorite. Mais elle a déjà fait des résultats internationaux, elle a déjà été médaillée sur les compétitions internationales, donc elle va courir pour essayer d’accrocher une médaille oui bien sûr.
Et d’ailleurs, on n’en a pas du tout parlé, j’y pense maintenant, mais mon projet, je l’ai appelé AMATEURS. L’amour du sport, c’est ça que ça veut dire pour moi. C’est ce qui rassemble les spectateurs et les professionnels, ou en tout cas les pratiquants. Et du coup, je me demandais si, j’imagine, en canot et kayak, c’est pas un sport, comme vous disiez tout à l’heure, qu’on voit beaucoup à la télé. Du coup, vous étiez amateur pendant toute votre carrière ?
Alors amateur, oui et non. En fait, derrière amateur ou derrière professionnel, on met beaucoup de signification. Souvent, sportif professionnel, ça veut tout de suite dire quelqu’un qui gagne bien sa vie. Donc, moi, je n’ai jamais bien gagné ma vie en faisant du kayak. Par contre, moi, j’ai obtenu mon diplôme, le concours, pour être enseignant en 95. Et donc, entre 95 et 2004, l’éducation nationale me rémunérait pour m’entraîner. Donc j’étais quand même… j’avais un salaire et je pouvais… l’État m’accompagnait, quoi. Donc j’étais d’une certaine façon professionnel puisque c’était la mission que me confiait l’État à ce moment-là. Pour autant, voilà, j’ai gagné un salaire d’enseignant et pas comparable avec… avec d’autres rémunérations qu’on peut connaître dans d’autres sports. Voilà, donc je ne sais pas si on peut dire amateur ou professionnel. Après, ça a un sens particulier parce que vous savez, moi je suis enseignant d’EPS et parmi les épreuves pour devenir enseignant, il y a une épreuve sur l’histoire de l’EPS et l’histoire du sport qui part de 1880 à peu près. Donc on doit rédiger une dissertation sur un thème particulier. Et donc, on apprend aussi à comprendre les valeurs du sport et puis les valeurs telles qu’elles ont été initiées au départ par Pierre de Coubertin à l’époque et le terme “amateur” avait quand même un sens particulier parce que pour Pierre de Coubertin il fallait être amateur pour être présent aux Jeux Olympiques et amateur pour lui ça signifiait que on ne devait pas, en fait, par son métier, être avantagé dans les efforts sportifs. Ça devait être pratiqué uniquement sur des temps annexes, en dehors d’un temps professionnel.
Le forgeron, il ne pouvait pas faire du lancer de poids, quoi, c’est ça ?
Oui, voilà, c’était un peu ça l’idée. C’était d’ailleurs peut-être… Enfin bon, c’était une autre époque. et aujourd’hui ce serait tout à fait contestable d’avoir de tels a priori sur qui a l’accès à l’activité et d’ailleurs à l’époque l’accès égalitaire entre les hommes et les femmes d’ailleurs n’était pas du tout respecté parce que les propos de Pierre de Coubertin sur le sport féminin étaient assez misogynes quand même. C’était une autre époque, c’était une autre période et je profite de parler de ça parce que à priori, Paris sera les premiers Jeux Olympiques avec une parité vraiment à 50%. C’est-à-dire que tous les sports doivent être proposés aux hommes et aux femmes. Un sport ne peut plus être présent aux Jeux 0lympiques s’il n’y a que les hommes qui le pratiquent. Et donc, ça veut dire que là, on a un peu passé le cap d’un certain héritage sur les valeurs qui étaient énoncées au début des Jeux olympiques en 1896. Et voilà, un peu ça évolue, mais c’est normal. La société évolue et les choses changent. Mais c’est sûr que le terme amateur, je pense, a un sens particulier avec les Jeux olympiques, clairement, même si cette année, je crois qu’on aura une équipe américaine de basket exceptionnelle. Et donc, on aura les plus grands professionnels du sport les plus connus qui seront présents aux Jeux Olympiques. Mais malgré tout, je crois qu’il y a quand même une valeur particulière. Et on le sent un peu, notamment, on peut prendre l’exemple du tennis. Parce qu’en tennis, les joueurs qui sont des professionnels gagnent beaucoup d’argent. S’ils gagnent un tournoi du Grands Chelens ou un Master League, enfin des compétitions prestigieuses du circuit de tennis. Mais ils vont gagner beaucoup moins d’argent s’ils gagnent les Jeux olympiques, parce que les prix olympiques sont souvent bien inférieurs à ce qu’on peut obtenir sur un tournoi de tennis professionnel. C’est sans comparaison. Et pourtant, j’ai l’impression que les meilleurs tennisman ont envie d’être champions olympiques. Donc ça veut dire qu’il y a quelque chose autour de ce côté amateur, dans le sens où on y vient pour un prestige et moins pour de l’argent.
Ça me fait penser, c’est un peu amateur, j’ai dit, par amour du sport aussi. Mais du coup, ce que vous dites, c’est un peu par plaisir du jeu aussi.
Oui, c’est ça. Et puis, c’est en fait l’envie d’avoir ce titre olympique qui, en fait, à une valeur très importante, mais ce n’est pas une valeur financière. C’est autre chose. C’est effectivement l’envie de maîtriser un peu le développement, le complexe, l’activité, mieux que les autres. Et je pense que c’était ça aussi. Parce qu’être amateur, effectivement, par rapport à être professionnel, ça peut être considéré comme un en dessous. Mais quand on dit que quelqu’un est un vrai amateur dans une activité, ça veut dire que c’est quand même quelqu’un qui a des compétences. Donc au final, ce mot amateur, il peut être perçu dans les deux sens. Pour moi, amateur aux Jeux olympiques, c’est quelqu’un qui est un expert.
Je pense qu’il n’y a presque que ça.
Oui, de toute façon, maintenant, au départ des Jeux olympiques, il y a tellement peu de place, puisque le nombre de disciplines a augmenté, pour différentes raisons, mais entre autres parce que tout les sports ont envie de faire partie de cette fête-là. Et en plus, il y a la parité hommes-femmes qui a augmenté le nombre d’athlètes. Du coup, aujourd’hui, il y a très peu de place au départ des compétitions. En canoë-kayak, il y aura une vingtaine d’athlètes au départ. C’est peut-être un petit peu plus, c’est peut-être 22 ou 24, je ne sais pas exactement. Mais voilà, quand vous êtes au championnat du monde, il y avait 150 participants. Avec une sélection aussi, mais ce que je veux dire, c’est qu’aux JO, il y a très très peu d’athlètes présents et que du coup, il n’y a vraiment que des spécialistes et des athlètes qui viennent pour jouer une médaille quasiment.
C’est sûr. Après, on avait vu des fois en 2012, il y avait l’équipe de handball anglaise, un truc comme ça, où c’était des joueurs des niveaux inférieurs. Mais effectivement, c’est quasiment toujours les grands experts.
En fait, ça arrive par le jeu de sélection qui est quand même assez complexe. Parce que l’idée, c’est que pour que la compétition intéresse le plus grand nombre, et quand on dit le plus grand nombre, c’est la planète entière. Il y aura de toute façon les 5 continents représentés dans chaque activité. Et du coup, on pourrait avoir, je ne sais pas moi, a priori à Los Angeles, les Américains vont réintégrer le baseball, d’après ce que j’ai compris. Bon, le baseball n’est pas très pratiqué en Europe, par exemple, mais il y aura quand même une équipe européenne. Et forcément, ce ne sera pas une équipe qui prend des équipes pour aller chercher une nouvelle. Mais bon, la majorité des équipes en général sont quand même dans les meilleures mondiales.
Écoutez, un grand merci pour cet échange, c’était passionnant.
Merci à vous.
Je vous remercie pour votre écoute, et j’espère que cette rencontre avec Patrice Estanguet et le Canoé Slalom vous a plu. J’ai personnellement beaucoup aimé son histoire de la victoire de sa médaille, alors que peu de temps avant les Jeux, il n’était pas qualifié. J’ai été touché par sa rivalité avec son frère Tony, surtout en étant le grand frère, et leur victoire commune, elle a conclu parfaitement ce récit. Vous pouvez découvrir d’autres histoires de médaillés olympiques sur ce podcast et sur les réseaux sociaux. Si vous aimez ce podcast et si vous voulez soutenir le projet artistique AMATEURS, n’hésitez pas à vous abonner, à partager ce podcast à vos proches et aux amoureux du sport, à laisser un commentaire et à mettre 5 étoiles sur les plateformes d’écoute. Je vous remercie pour ce moment partagé, pour votre temps, et je vous dis à bientôt.